Ah oui, quel drôle de film ! C’est interminable et mal composé, c’est une sorte de flashback continu avec des retours au présent inutiles ou peu pertinents. Ces flashbacks sont sans doute placés à intervalles réguliers dans le récit pour que le spectateur n’oublie pas qu’il assiste au récit fait au blanc-bec ahuri Nigel (Hugh Grant) par le vieux saligaud estropié Oscar (Peter Coyote) qui s’échauffe en faisant audit blanc-bec le récit des turpitudes de sa vie avec Mimi (Emmanuelle Seigner). Et tout cela pendant que Fiona (Kristin Scott Thomas), la charmante femme de Nigel, s’enquiquine à cent sous l’heure sur le paquebot où les deux couples sont en croisière.
Lunes de fiel ne commence pas trop mal, une fois l’artifice du paquebot de croisière posé et le récit d’Oscar de sa rencontre avec Mimi n’est ni désagréable, ni mal filmé. On peut même s’amuser de la suite de hasards qui aboutit à la rencontre : au cinéma ça passe. Cela étant si le personnage d’Oscar, écrivain dilettante et impubliable, amoureux de Paris comme Hemingway ou Fitzgerald fonctionne assez bien, j’ai moins de goût pour celui de Mimi, danseuse sans cachets qui manque de crédibilité en fille amoureuse archi-charnelle ; on ne sait pas grand chose d’elle, de son passé, de sa personnalité avant sa rencontre et ses foucades et outrances déconcertent un peu. Disons toutefois qu’Emmanuelle Seigner est un beau brin de fille et que quelques unes de ses représentations érotiques sont assez torrides pour qu’on y prenne agrément (ceci n’est pas en contradiction avec ce que j’écris au paragraphe précédent).
C’est à partir de ce moment – c’est à dire assez tôt – que tout se gâte. La passion charnelle s’usant, il faut, aux deux amants qui ne sont liés par rien d’autre, trouver artifices et substituts ; et là quelques moments glaçants de ridicule et d’autant plus ridicules que je crains que Polanski ne les ait pas voulu tels : on atteint les sommets avec la scène du lait (trop blanc et crémeux pour être bien honnête) qu’Oscar lèche sur le corps de Mimi (et hop, au moment de l’orgasme, les rôties sont éjectées du grille-pain – on se croirait chez ce vieux libidineux d’Hitchcock) ; on les dépasse avec celle où le malheureux Oscar se déguise en cochon pour être traité de façon adéquate par Mimi, qui ne parvient pas à lui donner satisfaction (mon Dieu, comme on la comprend !).
Lassitude, puis goujaterie, puis abandon, puis accident. (La Justice immanente a frappé ce saligaud d’Oscar !). Toujours est-il qu’après il y a la vengeance de Mimi, la découverte par les deux amants qu’ils se sont indispensables et tout le bataclan suit jusqu’aux scènes finales, sur le paquebot, qui sont parmi les plus improbablement ridicules que j’aie vues. Et cela malgré la présence – enfin ! – dans le paysage de Kristin Scott Thomas, délicieuse actrice qui a une assez jolie scène de séduction saphique dansante avec Emmanuelle Seigner. (Tiens, sans aucun rapport, ça me fait songer à une scène analogue, dans La Banquière de Francis Girod entre Noëlle Châtelet et Anne Jousset).
Malgré quelques tournures littéraires intéressantes (pour dire la lassitude de Mimi ressentie par Oscar : j’écrasais ma bouche contre la sienne comme un mégot dans le cendrier et le propos d’un voyageur hindou L’Inde est infestée de mouches et de mendiants) et un paquebot qui ne ressemble en rien aux affreux châteaux-forts ambulants d’aujourd’hui (ceux qui esquintent la Lagune), malgré quelques jolies vues de Paris, Lunes de fiel ne ressemble pas à grand chose ; en tout cas on n’y retrouve que du Polanski de seconde zone, plus exactement de second rayon.