Sous les toits de Paris

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« Avoir un bon copain… »

Ce doit être là un des tout premiers films parlants du cinéma français et l’empreinte du Muet est omniprésente, moins dans le jeu des acteurs, étonnamment convaincants et exempts des tics théâtraux pleins d’exagération et d’emphase qui gâchent trop souvent les films de cette époque, mais bien davantage dans une certaine façon de montrer des conversations sans paroles, et plus encore, peut-être, dans certains mouvements de foule quasiment browniens, où les protagonistes vont dans tous les sens, comme semblent le faire les acteurs des films comiques américains sans paroles.

Je n’ai pas, pour René Clair une admiration absolue : trop léger, trop funambulesque, trop facile, ce réalisateur qui fut le premier cinéaste – et l’unique, il me semble – à être élu à l’Académie française (je ne tiens pas Robbe-Grillet pour un homme de cinéma (ni de quoi que ce soit, d’ailleurs) et j’ai honte pour les Quarante), ce réalisateur a tourné quelques films plus jolis et insouciants que vraiment forts.

Mais il faut lui reconnaître un sens très sûr de la prise de vues, la recherche d’angles intéressants et une grande habileté à manier la caméra (je songe en ce moment même à ce qui sera, à mes yeux, sa meilleure œuvre, Les grandes manœuvres) ; le Paris populaire reconstitué en studio par le grand Lazare Meerson est toujours aussi photogénique ; Paris photographié par Izis, par Brassaï, par Edouard Boubat est retrouvé ici par la promenade sur les toits qui ouvre et clôture le film, Paris des mille spectacles merveilleux, chanteurs des rues, bals populaires, pavés mouillés, Paris des concierges grognons qui maugréent à tirer le cordon pour les locataires qui rentrent trop tard chez eux…

Il y a, en un peu adouci, et en beaucoup moins tragique, il y a du Casque d’or dans Sous les toits de Paris : dans l’un et l’autre film, une belle fille est l’enjeu d’une querelle entre brave type et voyou ; mais, alors que le film de Becker est une pure tragédie, tendue jusqu’à la rupture, le film de Clair confine avec bonhomie au vaudeville puisque la belle (Pola Illéry, plus tard vedette de la première version du Tombeau hindou) hésite entre deux sympathiques garçons, l’un chanteur des rues (Albert Préjean), l’autre camelot (Edmond T. Gréville), tout cela sous le regard noir du presque marlou Gaston Modot (le futur Schuhmacher de La règle du jeu).

On l’aura compris, ça ne va pas très loin, même si c’est plutôt charmant, et bien enlevé. Mais c’était sûrement, pour les spectateurs, une agréable entrée dans le monde du parlant… Car en plus bientôt, il y aurait les dialogues

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