Comme il paraît qu’Anthony Mann est un grand réalisateur de westerns, genre prolifique et redondant, mais qui a ses amateurs, je me suis dit que je ne perdrais peut-être pas ma soirée, hier, en regardant Du sang dans le désert, qui avait l’avantage de ne pas être trop long (93 minutes), au contraire de la boursouflée, verbeuse et infantile Chute de l’Empire romain qui était jusqu’alors le seul film que j’aie vu de ce réalisateur. Et puis le grand Henry Fonda et même Anthony Perkins, dont la fragilité ambiguë ferait merveille un peu plus tard dans Psychose, mais aussi dans Aimez-vous Brahms ? ou Le Procès.
Mais quel ennui, quelle purge, ce western primaire et simpliste, tourné qui plus est, en noir et blanc, alors qu’une de qualités du genre est de montrer de beaux paysages mordorés (il y a des exceptions, je sais bien, du type La chevauchée fantastique), dans un paysage presque confiné, sans les Grands espaces qui donnent un peu de souffle à ces histoires simples de garçons de ferme trop alcoolisés, de notables trouillards et de médecin humaniste !
L’histoire du jeune shérif Owens (Anthony Perkins), dépassé par les événements et méprisé par à peu près tous ses administrés et remis en selle par Hickman (Henry Fonda), vieux baroudeur qui a eu des malheurs et qui va prendre sous son aile le pied-tendre est d’un rebattu, d’une banalité, d’une prévisibilité qui font peine à voir.
De fait Hollywood, du fait des désastreux accords Blum/Byrnes a accablé et envahi les écrans français après la guerre par des centaines de productions de série du même tonneau. J’en ai vu ma part, et jusqu’à plus soif, lorsque j’avais entre six et douze ans : on absorbait tout et n’importe quoi, du moment qu’il y avait des Peaux-Rouges ou des Bandits à forte puissance de feu, subissant des anecdotes aussi primitives que celle de Du sang dans le désert. Opium du peuple en rien supérieur aux feuilletons à la Navarro ou à la Julie Lescaut. Mais on ne prétendait pas aller voir le film d’un grand metteur en scène, réputé tel, en tout cas.
Quand on voit ce qu’ont pu apporter au genre la méchanceté pessimiste d’un Peckinpah ou la subtilité européenne de récit d’un Leone, on est bien marri d’avoir perdu une heure et demie de sa vie à regarder en bâillant cet Anthony Mann…