Fondé sur une de ces histoires vraies qui remuent les sympathies et les émotions des bonnes gens, Vie sauvage n’est ni meilleur, ni pire que tous les films qui brassent à la pelle un sujet de société, pont-aux-ânes de notre bel aujourd’hui.
Inspiré de l’aventure de Xavier Fortin et de ses fils, le film de Cédric Kahn met en scène la panique de Philippe (Paco) (Mathieu Kassovitz) lorsqu’il constate que le couple marginal qu’il formait avec Nora (Céline Sallette) est en train de se déliter. La jeune femme en a marre de passer ses journées à marcher dans la boue, de vivre en caravane, de boire du lait ribot ou des tisanes de salsepareille et de manger macrobiotique. Elle a surtout envie que ses trois garçons, deux qu’elle a fait avec Paco et l’aîné qui vient d’on ne sait où aillent à l’école, voient d’autres enfants et connaissent une vie normale.
Comme le couple se déchire à qui mieux mieux et que la Justice a confié les gamins à la mère, Paco enlève ses deux enfants biologiques, de fait écartelés entre leurs parents et va les dissimuler pendant onze ans, vivant de boulots de fortune et habitant n’importe où, n’importe comment et avec n’importe qui, alors qu’il est recherché (sans doute assez mollement) par police et gendarmerie.
On comprend bien que les deux garçons, singulièrement appelés Tsali (David Gastou, puis Romain Depret) et Okyesa (Sofiane Neveu puis Jules Ritmanic) s’amusent davantage à attraper des truites à la main dans les ruisseaux ou à dépiauter des lièvres pris au collet qu’à apprendre les finesses syntaxiques des participes passés et les raffinements des tables de logarithmes. Et cela même si leur père se donne un mal fou à les coller chaque jour devant des cahiers d’exercice. De fait, dans l’histoire vraie des enfants Fortin, il semble que les enfants n’étaient pas trop devenus des sauvageons.
Mais il aurait été intéressant d’expliquer comment ils ont pu supporter d’être privés si longtemps de leur mère et pourquoi, lorsqu’ils l’ont retrouvée, ils l’ont, au début, rejetée ; cela alors même qu’il semble que leur père ne les a pas dressés contre elle. Le film de Cédric Kahn n’effleure pas, même superficiellement cela, qui est le vrai sujet.
Pour autant, il n’est pas trop de parti-pris et montre avec une certaine cruauté combien les rêveries communautaires, lorsqu’elles sont confrontées à la réalité, explosent en vol : c’est bien beau de boire des coups et de fumer des pétards au son des guitares lors des feux de camp, mais, finalement, qui va faire la vaisselle ?
Je m’aperçois que, pollué par le sujet, je n’ai parlé que de lui et guère de cinéma. C’est sans doute – j’y reviens – parce que ce genre de films n’en est pas. Bâti pour la télévision, il ne peut pas laisser de trace.