Naufrage dans une soupe à l’ail.
Débarrassons-nous vite des quelques et très rares qualités du film, qui permettent de le hausser – mais à peine ! – au dessus du zéro absolu : les costumes de Rosine Delamare, les décors de Max Douy, la musique de René Cloërec, tous complices habituels de Claude Autant-Lara, quelques répliques piquantes dues à la plume d’Henri Jeanson (de Charlotte de Montmorency/Danièle Gaubert au prince de Condé/Jean Sorel : Si vous m’aimiez, vous n’auriez pas accepté de me prendre pour femme…). Et peut-être aussi quelques intonations de Pierre Brasseur.
Et c’est tout ? C’est tout ! Importants moyens matériels, distribution internationale (Vittorio De Sica, José-Luis de Villalonga, Mélina Mercouri), passionnante époque de l’Histoire de France où un grand roi réconciliateur inaugure en quelque sorte le Grand Siècle : de quoi mélanger habilement galanterie et politique, voluptés et conspirations. Et au lieu de ça, on voit, dans une sorte de mayonnaise indigeste et ennuyeuse une sorte de Strauss-Kahn qui pue l’ail et la crasse vouloir sauter toutes les jolies filles du Royaume puis, de façon presque incongrue, être assassiné rue de la Ferronnerie par un Ravaillac en apparence dément (bizarrement interprété par Roger Hanin méconnaissable). En bref, on était dans la pire gaudriole, on se retrouve en plein drame…
Mais qu’est-ce que Claude Autant-Lara, qu’est-ce que le grand réalisateur de Douce, de L’auberge rouge, de La traversée de Paris, le cinéaste le plus grinçant, le plus méchant du cinéma français a voulu réaliser avec cette pitoyable mômerie de Vive Henri IV, vive l’amour ! ? Tailler des croupières aux grands films méta-historiques de Sacha Guitry (Si Versailles, Si Paris, Napoléon) en accumulant les apparitions d’artistes plus ou moins célèbres qui viennent faire une pige quelques instants ? À toute allure et sans continuité, on aperçoit Danielle Darrieux, Nicole Courcel, Robert Dalban, Daniel Ivernel, Jean Tissier ; et dans des rôles à peine plus substantiels, Simone Renant, Julien Carette, Francis Blanche, Bernard Blier… D’autant que, pour la plupart tous ces excellents artistes surjouent lamentablement.
J’y reviens ; qu’est-ce qui s’est donc passé ? L’opportunité pour Autant-Lara de relancer une carrière qui flageolait après les scandales et les interdictions municipales de La jument verte et des Régates de San Francisco ? Un pari gagné par lui sur Ray Ventura (qui a produit le film) après une soirée trop arrosée ? Va savoir…
Comme on prêtait à Francis Claude une certaine ressemblance physique avec les portraits que l’on détient d’Henri IV, on lui a fait interpréter le personnage dans quelques réalisations de l’époque (un épisode de La caméra explore le temps de Stellio Lorenzi et Hardi Pardaillan ! de Bernard Borderie) ; mais cette ressemblance ne permet tout de même pas à quelqu’un qui était avant tout directeur artistique de porter sur ses épaules tout un film. Et de fait, le brave Francis ne porte rien du tout, se contentant de courir dans tous les coins et à parler avec un accent de rocaille plutôt ridicule. Et de ce fait, tout le poids de la réalisation passe sur le couple formé par Danièle Gaubert et Jean Sorel dont la beauté ne suffit pas à dissimuler l’inexpérience.
Bref, c’est très mauvais et, sans être long, c’est très ennuyeux.