Charmante petite chose farfelue
Évidemment, ce n’est pas à mettre entre toutes les mains, ou plutôt sous tous les yeux ; pour supporter ce cinéma-là, sa fausse naïveté (finalement assez roublarde), la nonchalance, souvent très insuffisante de sa réalisation, l’invraisemblance de l’anecdote, et les numéros d’acteurs trop appuyés pour être honnêtes, il faut être – comme je m’honore de l’être – un inconditionnel de Danielle Darrieux et un spectateur plutôt (très) bon public pour ces films déjà septuagénaires qui évoquent une France et un Paris qui n’existent plus, une France endormie dans les illusions de la Victoire et dans les certitudes de son empire colonial…
Mais ce Mauvais garçon est plutôt assez sympathique est amusant à voir, bien qu’il fasse partie de la production très courante de l’époque et qu’il manque de caractère et d’ancrage dans les réalités si prégnantes de l’année 1936 où il fut tourné… Pourtant surprend agréablement, dans cette famille de bonne bourgeoisie dont la fille, Jacqueline Serval (Danielle Darrieux, donc) ambitionne de réussir une carrière au barreau, ce clivage net entre les femmes, Jacqueline et sa mère (Marguerite Templey), féministes avant l’heure et le père Serval (André Alerme), potentat traditionnel, soucieux de marier au mieux Jacqueline…
Là où le film est aimablement roublard, c’est qu’alors qu’on a cru pendant presque toute sa durée que Jacqueline, rompant le pacte familial et son appartenance de classe (comme aurait dit le regretté Karl Marx), l’épilogue dévoile une conspiration des hommes, pour le plus grand bien de Jacqueline, le père, le bâtonnier, un juge d’instruction et quatre jeunes gens du meilleur monde s’étant ligués pour que la belle héroïne, un peu exaltée, puisse croire qu’elle s’émancipait et qu’elle allait tomber amoureuse d’un malfrat, en fait, lui aussi jeune homme de bonne famille et fils aîné du riche ami à qui elle était, de toute éternité, destinée… Mais je trouve ça assez rigolo, précisément dans cette conclusion narquoise et réactionnaire…
Danielle Darrieux, 19 ans, et déjà vingt films dans son corbillon, est ravissante, comme de coutume, et utilise à ravir la jolie voix que la nature et le Bon Dieu lui ont donnés ; elle n’est jamais aussi jolie que costumée en voyoute, le béret sur la tête et la cigarette au bec, quand elle s’essaye à l’argot ; Henri Garat, grand rôle de jeune premier de l’époque, est en revanche assez insignifiant ; la carrière de cette grande vedette s’est brutalement interrompue en 1943, et il est mort, dans la misère noire, en 1959, à Hyères…un destin à la Modiano…
Et c’est à peu près tout, sauf si l’on apprécie particulièrement les rondeurs d’Alerme ou les roulements d’yeux de Pasquali. Tout ? Non ! J’allais exagérer : nous reste aussi, dans la musique de Georges van Parys une ritournelle bien connue :
C’est un mauvais garçon
Il a des façons
Pas très catholiques
On a peur de lui
Quand on le rencontre la nuit…