Je manque d’arguments
« Chinatown est le seul polar contemporain à pouvoir rivaliser avec Le faucon maltais, Le grand sommeil, etc. » a-t-on excellemment dit dans des critiques argumentées et admiratives…
C’est précisément là où le bât me blesse ! J’avais déjà ressenti, avec le Faucon maltais, des réticences pour ce genre de films à intrigue compliquée et même tortueuse, où les aberrations et les révélations s’accumulent, où les faux-semblant s’additionnent : Chinatown, à mes yeux, est un exercice de style bien plus brillant – virtuose, même – que convaincant, où le spectateur demeure absolument extérieur aux protagonistes, les regarde s’agiter avec intérêt, mais sans chaleur empathique.
Bien sûr, Jack Nicholson est parfait, aussi à l’aise quand il est emporté par les flots torrentueux que lorsqu’il séduit une Faye Dunaway absolument craquante. Et John Huston (hommage indirect au Faucon maltais, justement ?) donne à son personnage de Noah Cross, pourri jusqu’à la moelle, une lourdeur, une épaisseur malsaine qui sont une grande réussite du film. Polanski lui-même, dans son rôle de manieur de couteau n’est pas mal du tout, la lumière est très belle, Los Angelès photogénique à souhait, l’atmosphère d’avant-guerre impeccablement rendue.
Mais, pourtant fort amateur de Roman Polanski je n’accroche pas vraiment : il y a plus de tension dans Cul-de-sac, plus d’angoisse dans Le couteau dans l’eau, plus de trouble dans Répulsion, plus de méchanceté sardonique dans Le bal des vampires, plus de mystère dans Rosemary’s baby…
Mais c’est tout de même bien au dessus du banal…