La route est languissante.
Ah, le titre du film est minable et privilégie de façon absurde le seul personnage interprété par Clint Eastwood, alors que celui de Jeff Bridges lui tient la dragée haute durant ce road-movie, genre étasunien s’il en est ; on a d’ailleurs l’impression que ces gens là passent les trois quarts de leur temps chez leur automobile (chez, comme disait Nougaro). Il est vrai que le pays est grand, qu’on y roule, paraît-il, plus lentement que chez nous et on y a une conception de la virilité qui s’exprime par les armes et les bagnoles.
Ce qu’il y a de meilleur dans Le canardeur est ce qu’il y a également de meilleur dans La porte du Paradis : un très grand talent pour filmer les paysages et cadrer les images ; il y a des plans d’une subtilité et d’une beauté qui vaudraient presque qu’on dise du bien du film… s’il ne souffrait pas des mêmes graves défauts que Michael Cimino peut souvent cultiver : l’absence de maîtrise du rythme et la dilution infinie du récit.
Ce n’est pas que le film soit particulièrement long : il dure un peu moins de deux heures. Mais on a l’impression qu’il s’étale avec beaucoup de complaisance dans l’anecdotique et le pittoresque.
Je n’ai pas vraiment d’arguments pour m’horripiler du style baroque, celui où on mixe sang et pop-corn ou, pour être plus clair, violence absolue et plaisanteries pour teen agers de drive-in. Que ça soit loin de mon paysage mental est une chose, que je ne parvienne pas à y pénétrer est une affaire entendue, mais tout de même, si la chose est difficile, elle ne devrait pas être impossible. Et pourtant je demeure au mieux indifférent, mais généralement agacé par ce salmigondis d’histoire de gangsters appelés à rencontrer sur leur route des palanquées de cinglés, comme l’automobiliste orgasmique de l’oxyde de carbone qui transporte dans son coffre une multitude de lapins blancs, la bourgeoise qui s’exhibe nue à sa fenêtre, le gamin qui se met en rogne parce que le livreur de crèmes glacées ne respecte pas l’itinéraire habituel…
C’est bien gentil, ça peut amuser un temps mais quand ça se lie à un récit de casse, comme il en existe tellement, ça ne marche pas trop, d’autant que ça met un temps fou à démarrer, que ça n’a pas la sécheresse des chefs-d’œuvre du genre, Le cercle rouge, L’ultime razzia (ou même Du rififi chez les hommes) et que, malgré l’inventivité du scénario, ça traîne énormément.
On a pu voir, dans la relation qui s’établit entre le vieux briscard Thunderbolt (Clint Eastwood) et le jeune malfrat Lightbody (Jeff Bridges) une amitié homosexuelle informulée. Après tout c’est possible mais c’est très virtuel. Je comprends encore moins la fin du film, Lightbody, pourtant bien jeune, qui meurt presque subitement.
Dire que je me suis ennuyé serait excessif ; mais de là à avoir apprécié…