Un homme et une femme.
Dans la filmographie de Claude Lelouch, aussi vaste et vide qu’un corridor monumental, La bonne année émerge assez nettement et parvient, même après plusieurs visions, à retenir l’attention. Il est certain que c’est là le meilleur film de ce réalisateur boulimique, généralement insignifiant, qui, malgré la succession des bides qu’il ne cesse de rencontrer, parvient à conserver une notoriété médiatique incompréhensible.
Il est vrai que le bonhomme paraît n’être pas désagréable à approcher, qu’il a pour qualité d’avoir été fasciné par le magnifique Quand passent les cigognes, pour caractéristiques d’avoir épousé plusieurs jolies femmes et pour singularité d’avoir frappé les esprits avec une sorte de mythe romantique, Un homme et une femme dont le Chabadabada de Francis Lai lui a assuré durablement la matérielle.
La bonne année est un film assez réussi, qui le serait beaucoup plus si Lelouch n’avait pas encombré son propos d’une nouillerie nostalgique et sentimentale, de ce genre à quoi il ne peut pas résister sans doute. En gros, tout ce qui se passe en couleurs, tout ce qui entoure le casse de la bijouterie Van Cleef est épatant et l’histoire de la séduction de la belle antiquaire par le truand inculte y trouve parfaitement sa place. Mais quel torrent de glu guimauvée, dès que Simon (Lino Ventura) est piégé par le système d’alarme perfectionné de la bijouterie ! Le film aurait dû évidemment s’arrêter là, sur le regard que Françoise (Françoise Fabian) jette sur l’amant de passage qu’elle vient de voir capturer. On pardonnerait même à Lelouch cette scène charmante et niaise des retrouvailles de Simon, libéré de prison, et de son vieux complice et souffre-douleur Charlot (Charles Gérard) qui réveillonne dans la bise qu’on devine aigre d’un bistro pourri d’Aubervilliers.
On peut évidemment tout à fait comprendre que la belle femme libre, revenue de beaucoup après deux mariages ratés, qui vit dans un milieu d’esthètes un peu décadents et arrogants soit fascinée par le cambrioleur à peine décoffré et ressente pour lui une sorte d’attirance animale ; c’est à peu près ce qui se passe dans Le grand pardon entre Carole (Anny Duperey) et Raymond Bettoun (Roger Hanin), la doctoresse et le gangster. Mais de là à imaginer un avenir où, six ans de prison plus tard et après de nombreux nouveaux amants, Simon et Françoise se retrouvent pour autre chose qu’une chaleureuse partie de jambes en l’air !!!
N’empêche que l’ingéniosité du cambriolage est remarquable et que, malgré la mauvaise qualité technique de son masque postiche, Ventura est absolument bluffant en vieillard fortuné. On s’étonne aujourd’hui que Françoise Fabian n’ait pas la notoriété que son talent et sa beauté auraient dû lui conférer. Les seconds rôles, Charles Gérard et André Falcon (le bijoutier) sont excellents. Et si quelques dialogues sont bêtas, d’autres sont étincelants : davantage encore que celui du réveillon où s’affrontent Simon et l’amant italien et les deux amis de Françoise, j’aime celui où, à la sortie du restaurant, lors de leur premier dîner, Simon et Françoise vagabondent dans les rues désertes : il y a là, dans les prémisses d’une histoire, un grand talent véridique…
Dommage que Lelouch, qui ne manquait sans doute pas de talent, se soit englué ensuite dans une sorte de mégalomanie dont rien ne subsistera…