Étonnant de nullité
Concevez bien que ce film de 1959, au titre racoleur, ne comporte pas d’autres étoile de première grandeur cinématographique que Jean Tissier, dont l’azimut n’a jamais été bien élevé sur le plan de l’écliptique (j’imagine que je viens d’écrire une abomination en termes scientifiques, mais je n’ai jamais compris grand chose à l’astronomie, et, en plus, j’ai été malade en classe de 4ème, époque où l’on vous donnait les rudiments de cette science enivrante) ; concevez bien que l’homme qui dispute la vedette au nonchalant qui passe a le considérable éclat de Fernand Sardou (le papa de qui vous imaginez), sachez que la maison Barclay s’est donnée la part du lion dans la production (un film interprété par Eddie Barclay – le chef d’orchestre – dont la musique a été écrite par Eddie Barclay et dont les numéros de cabaret sont interprétés par de talentueux poulains de l’écurie d’Eddie Barclay – dont Dalida qui chante l’immortel Bambino).
Asseyez vous dans votre fauteuil : le film commence, sur un fond de dimanche à Orly, par une série de cartons dénonçant et fustigeant le fléau que constitue la redoutable Traite des blanches, et se donne comme relatant des faits vrais où un policier courageux, pour faire tomber un réseau, a cru pouvoir monter une provocation, dont certaines belles âmes ont déploré le caractère déloyal (vis-à-vis de l’honnête proxo). : chic ! on va pouvoir se rincer l’œil en réfléchissant gravement sur un terrible phénomène de société et les moyens d’y remédier)…
En fait l’œil n’est que fort parcimonieusement rincé par trois ou quatre strip-teases sages et la vision d’un (seul) sein dénudé. Mais il y a un grand – et trop court – moment lorsque Tissier himself donne, pour une kyrielle de gourgandines candidates aux scènes glorieuses de Beyrouth et de Buenos-Aires, une leçon de déshabillage, costumé en mariée (écrivant ceci, je me pince pour être certain que je n’ai pas rêvé ! mais non ! mes yeux ont vraiment vu cela !).
S’il n’y a pas d’aguichante coquinerie, si les trognes sont maigrement distribuées (une trop brève apparition de Pauline Carton et – je le signale pour les amateurs (dont je ne suis pas), de Pierre Repp), on s’étonne tout de même devant l’infinie stupidité des dialogues, les images en chromo des balbutiements amoureux et tout un paquet de fadaises invraisemblables…
Finalement, je suis peu gêné d’avoir regardé ça et, parallèlement, de n’avoir jamais vu Eve…
Voilà un film typique d’un cinéma de troisième zone, qui n’avait absolument aucune chance d’être projeté dans les salles d’exclusivité des Champs-Élysées ou des Grands Boulevards, ni même dans les salles de quartier, où affluait le populo du samedi soir ; ce genre de truc sortait dans des cinémas spécialisés, un peu louches, comme le »Midi-Minuit ».
La nudité à l’écran n’était d’ailleurs pas chose si rare ! Précisément l’atmosphère du cabaret permettait de montrer, sans avoir à la justifier par des exigences de scénario, des seins et fesses nus ! Simplement en reprenant deux films sur qui j’ai mis un message ici, L’alibi de Pierre Chenal, en 1937, ou Femmes de Paris, de Jean Boyer en 1953 en montrent bien davantage que Brigade des mœurs de 1959 !! On peut même remonter aux temps antédiluviens d’Extase de 1933 où Hedy Lamarr court nue dans la forêt, ou au bain très complaisant d’Edwige Feuillère dans le Lucrèce Borgia d’Abel Gance en 1935…