Les voyageurs imprudents.
C’est vraiment un petit film sympathique, qui se laisse toujours regarder sans désagrément à la troisième ou quatrième vision paresseuse sur une chaîne de télévision secondaire. Un film qui, malgré plusieurs concessions à l’esprit du temps et au goût de l’époque n’est pas si mal fichu que ça, comporte bon nombre de scènes amusantes et met en scène des situations sans doute outrées mais plutôt habilement présentées.
De quoi s’agit-il ? D’un groupe de touristes plon-plon, réunis comme on l’est par le hasard et les vicissitudes du tourisme de masse, un groupe composé de gens d’une grande diversité, d’âge, de profil, de caractère. Qui, effectuant un voyage organisé, n’a pas connu ça ? Au fil des jours, la promiscuité des longues heures passées ensemble faisant son office, on se découvre, on sympathise, on s’exaspère, on se déteste, on s’accorde, on se confie, on se déguise, on s’invente des histoires, on se joue des rôles et tout le tremblement.
On a connu le réalisateur, Jean-Paul Salomé moins inspiré dans de grands bafouillis trop ambitieux fabriqués grâce aux ressources des trucages numériques, Belphégor, le fantôme du Louvre, absurde et inutile remake du grand feuilleton télévisé de Claude Barma ou dans un ridicule Arsène Lupin qui n’avait aucun rapport avec les jolis bijoux de Jacques Becker et d’Yves Robert. Dans Restons groupés, il parvient à un assez bon équilibre en filmant cette troupe disparate dans les grandes étendues de l’Ouest étasunien, du côté du Nouveau-Mexique ou du Colorado conduite par un brave garçon (Samuel Le Bihan) qui a malheureusement perdu tout contact avec l’agence de voyages en faillite et doit se débrouiller, sans un sou, pour faire avancer sa troupe en ne lui révélant que le plus tard possible la vérité : ils sont tous en capilotade, en naufrage sur le même bateau.
Bien entendu, pour donner du piment à son film, Salomé ne mégote pas sur les situations de ses personnages et leur trop grande caractérisation manque tout de même pas mal de finesse ; personnages tranchés davantage encore à la hache qu’à la serpe, dont on voit bien d’emblée les trajectoires : vieux couple de paléo-communistes bons comme le pain, généreux, chaleureux, affectueux, amoureux, Raymond (Michel Robin) et Lyliane (!) (Antoinette Moya), jeune couple attachant qui rêve de quitter le bassin minier des alentours de Lens pour le rêve américain, Jeff (Bruno Solo) et Suzy (Estelle Larrivaz), couple middle class moyennement ranci, plutôt puant et dont le mari, Jean-Michel (Bernard Le Coq) est une caricature exceptionnelle de beauf, mais dont la femme Nicole (Claire Nadeau) se trouvera rédimée en engageant une idylle avec un beau Noir, Aimé (Hubert Koundé).
Au demeurant, celui-ci est l’accompagnant d’Elvira (Judith Henry), lesbienne qui vient de se faire plaquer par sa chérie. On voit par là que le réalisateur n’a pas fait dans la dentelle. Et qu’il a ajouté à cette palette disparate Gwenaël, un mystérieux clampin grognon, irritable, mystérieux, mais finalement pas plus mauvais qu’un autre, (Bruno Lochet) et surtout une jeune fille ravissante, Claire (Emma de Caunes – tiens au fait, qu’est-elle devenue celle-là, si pimpante, si piquante, si séduisante ? Disparue corps et bien dans l’entropie du cinéma…).
Donc vous mixez la situation financière désespérée des voyageurs, les beaux paysages du Far-West et les sinuosités des caractères et personnalités, vous agitez longuement le shaker et ça vous donne un assez agréable cocktail. Un peu trop sucré, certes, avec bien trop de notes doucereuses et nunuches et pas grand chose de piquant ou d’acéré. Mais enfin dans le paysage assez triste du cinéma français de divertissement, ça surnage…