On peut s’en passer, mais…
L’édition produite par l’inénarrable René Chateau – qui prévient hypocritement, que, malgré leur rénovation (tu parles !) le son et l’image de ce film de 1934 présentent quelques (!!!) dégradations est naturellement absolument salopée ; lorsqu’on voit ce que des éditeurs intelligents et respectueux ont pu apporter à des films de la même année (L’Atalante ou La Bandera, par exemple), on mesure l’imposture du margoulin.
Cela étant, ce n’est pas vraiment grave, parce que ce petit film de l’aîné et moins doué des frères Allégret, Marc , n’a pas beaucoup d’intérêt, porté par une anecdote très mince et bien artificielle (et pourtant adaptée par l’excellent Carlo Rim, dont je recommande à la vision de tous la remarquable Armoire volante). C’est bêta, melliflue, niais, invraisemblable, c’est du boulot scénaristique d’abattage et les courtes péripéties s’enchaînent, de plus, fort laborieusement. Et c’est très mal filmé, sans rythme et sans idée, et plus mal monté encore, si possible, avec des ruptures de tons et d’images idiots. Ce qui est dommage c’est que les scènes de féeries au music-hall ont été tournées avec des moyens, des figurants nombreux, des hectomètres de satin et de strass et que ça n’arrive pas à la cheville, malgré quelques jolies images et quelques belles idées, à ce que faisait Hollywood à la même époque (par exemple dans Le grand Ziegfeld).
Pas vraiment pour Pierre Larquey, que j’ai rarement vu plus transparent et pleurnichant.
Un tout petit peu davantage pour un Jean Gabin encore bien mièvre, bien proche des rôles à tonalité musicale, tout droits issus de son passage au Casino de Paris et de son fricotage avec Mistinguett ; heureusement, il vient de rencontrer Duvivier ; il a déjà tourné Maria Chapdelaine et il se prépare à Golgotha, La Bandera, La belle équipe.
Et aussi pour Marcel Vallée (qui sera, en 1951, le parfait directeur de la pension Muche du troisième Topaze) et qui a de la verve, de la démesure, du caractère, qui est une sorte de préfiguration de ce que pourra être Louis de Funès dans les rôles frénétiques de ses débuts.
Et surtout pour Joséphine Baker, ravissante et d’un abattage extraordinaire, en tout cas dès qu’elle quitte les oripeaux de l’actrice, où elle est fort mauvaise, pour ceux de meneuse de revue, où elle est absolument divine, dans les seules vingt-cinq dernières minutes du film : corps parfait, souplesse et raffinement, voix charmante ; et en plus, quelques chansons mélodiquement remarquables ! Rien d’étonnant, viens-je de constater : il y a Vincent Scotto et Georges van Parys là-dessous ! Je voudrais savoir lequel des deux a composé Pour moi, y’a qu’un homm’ dans Paris, c’est lui !, vraiment très bien !
Comme ça finit donc plutôt bien mieux que ça ne commence, mon indulgence est donc acquise.