Vent sauvage.
C’est tout de même très disparate, construit de façon plutôt bancale, sans beaucoup de maîtrise des temps… Ce qui est ennuyeux, à mon sens, pour un film dont l’histoire s’étend sur une bonne trentaine d’années. Les temporalités ne m’ont pas semblé bien maîtrisées et les ellipses, sans être incompréhensibles, m’ont paru survenir un peu de bric et de broc. Il y a des qualités, assurément, moins dans le scénario, touffu et emphatique, mais que There will be blood ait été classé en 2016 par un rassemblement de critiques, au troisième rang des meilleurs films du 21ème siècle, m’interloque un peu. Importants moyens, acteurs de mérite, mais discours un peu limité.
On suit donc l’itinéraire, l’histoire de la grandeur et de la dégénérescence de Daniel Plainview (Daniel Day-Lewis), type bizarre et particulièrement désagréable, manipulateur, misanthrope haineux dont finalement on ne connaîtra pas grand chose. Quelques vagues aperçus sur le contexte familial, les origines, mais très parcellaires et très sommaires. Je déteste les gens, dit-il et plus ça va, plus sa haine de l’humanité s’accentue. Certes, on a compris mais c’est tout de même un peu court. L’intérêt de la mise en scène d’un salaud c’est aussi (et surtout) la capacité de laisser entrevoir les ressorts, les forces et les failles de sa personnalité. Du concentré de violence et d’égoïsme de Daniel Plainview, on ne saura, on ne comprendra vraiment pas grand chose.
Au milieu des magouilles et des spéculations de ce chevalier d’industrie, il y a presque – c’est peut-être le meilleur du film, au demeurant – une sorte de reportage, presque un documentaire sur l’Ouest des États-Unis au début du 20ème siècle. Parcimonie et quelquefois misère des fermiers qui vivotent sur des terres arides, de vastes plaines pelées, plus riches de cailloux que de bel et bon humus. Extraordinaire crédulité des malheureux qui se jettent aux mains de gourous faux thaumaturges et s’adonnent à toutes les hystéries hors de toute véritable religiosité. Et puis les rugueuses mises en place de l’industrie pétrolière. Toute la mythologie des forages et des derricks est mise en image avec un brio très sûr et la technique de soufflage d’un puits de pétrole en feu par l’explosion d’une grande quantité de dynamite est tout à fait explicite. (Cela dit je n’ai toujours pas compris comment on parvient à canaliser la sorte de geyser de naphte qui jaillit des entrailles de la terre et à le faire entrer dans des tuyaux).
M’ont parues en revanche bien parasites toutes les relations qui unissent (ou désunissent plutôt) Plainview et ceux qui l’entourent. En premier lieu le reptilien prédicateur Eli Sunday (Paul Dano, absolument remarquable, au demeurant) ; mais aussi H.W. (Russell Harvard), le fils adopté, à la surdité accidentelle mélodramatique ou le faux frère Henry Brands (Kevin J. O’Connor), dont on ne voit ni la surface, ni l’utilité.
Notons aussi que There will be blood est un des films les plus dénués de personnages féminins de l’histoire du cinéma. À l’exception de quelques silhouettes insignifiantes et, tout à fait à la fin, de Mary Sunday (Sydney McCallister), l’épouse de H.W. Plainviex avec qui elle communique par langage des signes.
Étrange film, beaucoup trop long, souvent répétitif, mêlant scènes fortes d’une grande violence et languissantes péripéties. Le réalisateur, Paul Thomas Anderson paraît ne reculer devant rien et il ose même une scène finale (le massacre, sur une piste de bowling, d’Eli Sunday par Daniel Plainview, imbibé au dernier degré) qui est une des séquences les plus ridicules que j’aie jamais vues.