Notre riant avenir.
Ladj Ly, le réalisateur des Misérables vient de tenir des propos scandaleux, inadmissibles, intolérables sur des journalistes qui luttent contre l’islamisme, Éric Zemmour et Zineb El Rhazoui (ancienne de Charlie hebdo). Il a été condamné à 3 ans de prison pour complicité d’enlèvement et de séquestration à cause d’une histoire compliquée qui fait pièce sur la vertu de sa sœur. Ce n’est donc pas un garçon que j’aimerais compter parmi mes amis et il est certain que je ne serais pas rassuré si je me retrouvais à ses côtés lors d’un dîner en ville (voilà une hypothèse qui n’a vraiment aucune chance d’avoir lieu, soit dit en passant).
Et pourtant ce n’est pas une raison pour ne pas aller voir son film, qui est aussi remarquable que désespérant, aussi brillant que désolant parce qu’il n’est, en aucun cas, frappé de l’affreux manichéisme et qu’il est magnifiquement filmé, remarquablement interprété, et rythmé ; un film qui n’a pas volé le concert de louanges dont il est chargé, qui a été sélectionné à Cannes et représentera la France lors de la cérémonie des Oscars.
Naturellement, il n’a d’autre rapport avec le roman de Victor Hugo que de se dérouler à Montfermeil, où, comme on le sait, Jean Valjean vient arracher Cosette aux griffes des Thénardier. Et de comporter, en conclusion, une citation hugolienne : Mes amis, retenez ceci : il n’y a ni mauvaises herbes, ni mauvais hommes, il n’y a que de mauvais cultivateurs. Au delà de l’exaltation humanistoïde, on comprend tout l’esprit du film : on va vers l’abîme parce qu’on ne se comprend plus.
Les Misérables est un film glaçant, parce qu’il montre avec une logique impeccable et implacable l’avenir épouvantable de nos banlieues. Ravagées par le flux irrépressible de l’immigration et par ses corollaires, l’impossibilité de toute intégration, la multiplication des trafics, l’ensauvagement continu et de plus en plus violent, l’islamisme qui monte comme une marée, de façon de moins en moins dissimulée, ces banlieues se meurent en se constituant en principautés autonomes où nous n’avons plus rien à dire, plus rien à voir.
Au début, le film où une caméra très habile, très bien conduite s’insinue partout, est presque un documentaire sur la cité des Bosquets, épicentre de la révolte de 2005 après la mort des deux adolescents, Zied et Bouna, dans un transformateur électrique. C’est un dépotoir où rien n’a changé depuis lors, sinon en pire. Amoncellement d’ordures au pied des immeubles, cavalcades motorisées à travers des allées qui s’alignent autour de pauvres buissons sales, omniprésence d’une marmaille qui joue à tout et n’importe quoi au milieu des réfrigérateurs rouillés, des caddies volés et des carcasses de voitures. On ajoute à ce cadre riant des grands frères qui sont censés apporter la paix sociale et qui sont des sortes de caïds puissants et des Frères musulmans cauteleux qui sermonnent les voyous trop violents et les attirent à la mosquée.
Au milieu de ce caravansérail si loin, si proche, à peu près la seule présence de notre propre monde, la police. Et une police qui est à bout de confiance et qui, à force, est contaminée par la violence endémique institutionnelle : un univers où on ne se parle qu’en aboyant, en se traitant d‘enculé et (litote) en émettant des doutes sur la vertu de la mère de son interlocuteur.
Qu’est ce qui se passe chez ces fous furieux ? Un gamin difficile a chipé un bébé lionceau dans la ménagerie d’un cirque ; pour rien, ou pour le fun. Mais les gitans du cirque ne l’entendent pas de cette oreille et menacent de mettre à sac la cité si la bestiole n’est pas rendue. Maigres prémisses, conséquences redoutables. De fil en aiguille, en tout cas, avec une parfaite application de la logique des systèmes, tout va s’embraser jusqu’aux dernières images : les policiers traqués, isolés, prisonniers d’une bande d’adolescents déchaînés et un cocktail Molotov qui va – ou non ? – être projeté sur eux et un revolver qui est braqué sur l’incendiaire.
Le film s’interrompt heureusement là, sur cette fin ouverte. Mais quoi qu’il surviendra ensuite, nous avons perdu la partie. Comment pourrait-on éviter la partition ?
Les acteurs sont remarquables, les figurants aussi, le rythme est rapide et haletant. Un film remarquable qui, pour une fois, dit la réalité : il n’y a pas d’issue.