Le creux de la vague.
J’ai rarement vu un film au scénario aussi décevant, un film qui ne commence pas mal du tout mais qui, au fur et à mesure qu’il se déroule, se révèle de plus en plus fuligineux ; un film qui devient, dans son dernier quart d’heure, un monument d’ennui et de ridicule et qui suscite une interrogation un peu scandalisée du type Tout ça pour ça ?. Une idée de départ qui en vaut bien une autre, une atmosphère puritaine pesante qui laisse imaginer de lourds secrets fantastiques et finalement une supercherie bêtifiante à quoi on ne parvient pas à croire une seule minute.
Oui ça n’avait pas mal commencé ; une société guindée à fort contrôle social, qui fait un peu songer aux Amish de Witness ou aux braves luthériens du Festin de Babette ou à la société malsaine décrite par Michael Haneke dans Le ruban blanc. Comme il y a un élément fantastique et terrifiant (en fait seulement terrifiant au début parce qu’ensuite on se croit au jardin du Luxembourg devant le petit théâtre de Guignol), on pouvait aussi évoquer les excellents et inquiétants Habitants de Alex van Warmerdam ou même Dogville de Lars von Trier, peut-être même Le dieu d’osier de Robin Hardy. Les films du malaise où se découvre graduellement le secret des horreurs cachées derrière les portes lisses n’ont rien pour me déplaire, au contraire.
Dans cette grisaille consentie par tous, l’irruption d’une fleur écarlate qu’il faut dissimuler sans attendre est bien amenée et bien venue. Celle d’un porcelet ou d’un marcassin écorché l’est déjà un peu moins, mais enfin, on veut bien suivre le réalisateur, l’assez notoire M. Night Shyamalan. La communauté, comme de juste, a institué des interdits et des rituels pour se préserver au mieux de Ceux dont on ne parle pas qui vivent au delà de la forêt, séparés des villageois par une sorte de pacte tacite de non-contact.
Tout cela irait à peu près jusqu’à ce que prévalent les ramifications sentimentales et romanesques qui voient interagir le héros, le taciturne courageux Lucius Hunt (Joaquin Phoenix), l’idiot du village Noah Percy (Adrien Brody) et la jeune charmante aveugle Ivy Walker (Bryce Dallas Howard) qui est aimée des deux hommes. À partir de là on tombe dans le pire cucul-la-praline qui n’est pas même sauvé par d’agréables horreurs. En fait le village a été créé par des gens qui ont décidé de se retirer d’un monde moderne qui leur apparaît trop sauvage et trop violent et qui ont institué une thébaïde protégée par une mythologie inventée de toute pièce.
Plus le film s’étire, plus il va en eau de boudin. Malgré les tentatives du réalisateur de le tourner en parabole d’on ne sait quoi (la ségrégation ? la peur de l’étranger ? la crainte des classes supérieures d’être contaminées ? le libertarisme étasunien ? je n’en ai aucune idée mais les critiques professionnels sont là pour vous aider à vous faire une opinion). Toujours est-il que, bien que sa durée soit limitée (103 minutes) Le village dispense un ennui profond peu égayé par le ridicule…