Le néant subventionné.
Cette chose informe, qui dure 61 minutes difficilement supportables, a été subventionnée par une kyrielle d’organismes bien-pensants. Le CNC, France 2 (nos impôts !!!), Lyon Capitale TV et aussi d’autres organismes, plus ou moins assistés ou bénéficiant de déductions fiscales intéressantes (toujours nos impôts !!!). Qu’une ânerie pareille ait bénéficié de telles grasses complaisances en dit long sur le petit monde de l’entre-soi cinématographique. Si l’on fait partie du Camp du Bien, on a droit à une abondante avoine dans la mangeoire. Si l’on n’en fait pas partie, on peut toujours se brosser, comme Cheyenne Carron qui poursuit son chemin en accumulant les pires difficultés.
La réalisatrice – si tant est qu’on puisse appeler ça une réalisatrice – de Moi, Gagarine, qui s’appelle Olga Darfy, est russe. Elle a eu une vingtaine d’années en 1991, au moment de la dissolution stupéfiante de l’Union soviétique. Elle a donc assisté en direct à ce moment de bouleversement inouï, à cet effondrement d’une super-puissance que beaucoup pensaient invincible et même destinée à prendre graduellement la possession du Monde. Comme je l’ai souvent écrit, bon nombre d’esprits fins assènent aujourd’hui que le ver était évidemment dans le fruit et qu’il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre que le colosse avait des pieds d’argile. Macache ! Je n’en ai pas beaucoup connu alors.
La jeune Olga Darfy, alors qu’elle avait dix ans, avait visité, comme toutes les petites écolières moscovites, le Centre d’exposition des réalisations de l’économie nationale, créée par Nikita Khrouchtchev en 1959, vaste parc à la gloire des succès économiques et technologiques et du pays et notamment le pavillon Cosmos. Car le cosmos et l’Union soviétique, c’était vraiment une histoire d’amour. On se rappelle que le pays fut le premier à envoyer dans l’espace un satellite (Spoutnik 1 le 4 octobre 1957), un chien (Spoutnik 2 le 3 novembre 1957), un premier homme (Youri Gagarine, précisément, le 12 avril 1961), un homme qui sortit de son cocon (Alexis Leonov le 18 mars 1965) et même la première femme (Valentina Terechkova le 16 juin 1963) et aussi à photographier la face cachée de la lune (Luna 3 le 4 octobre 1959).
Cette geste fabuleuse largement mise en valeur par la propagande parait s’effondrer lors de la disparition de l’URSS. Et le début du film d’Olga Darfy n’est pas mal : Quelque chose me manque : le Cosmos. J’en étais tout attendri, m’imaginant que le film serait un chant d’amour à la puissance russe et aux étoiles qu’elle avait fait naître dans les yeux de tas de petits enfants.
Nib de nib ! Voilà que son Cosmos, l’Olga va aller le trouver dans le déferlement des musiques électroniques et le chatoiement de toutes les images importées du pauvre Occident, qui n’a eu que ça à proposer aux peuples libérés des dictatures communistes. Donc rave-parties, consommation de substances diverses, usage de sound systems à crever des tympans, occupation de squats, provocations criardes présentées comme des libérations artistiques… On connaît ce fumier malodorant sur toute la Terre…
Presque trente ans après, Olga et ses potes reviennent pleurnicher, à coup d’insertions de films amateurs, de photos jaunies, d’interviews nostalgiques sur la période vécue qui était tellement merveilleuse (eh oui, cocotte, comme sont toujours merveilleux les vingt ans qu’on avait quand on en a désormais cinquante). Et puis où sont les amis d’autrefois ? L’un est mort d’overdose, l’autre a disparu (on pense d’ailleurs qu’il a été assassiné), un troisième est devenu dentiste (ça craint, non ?), un dernier est – je n’ai pas très bien compris – conducteur de taxi ou designer…
Naturellement, la courageuse Olga Darfy fait des allusions voilées au climat de la Russie d’aujourd’hui qui n’est plus si favorable à la liberté de création et que le retour de l’ordre moral menace. Tremble, Vladimir, ils sont toujours là !