Ninotchka

Ah Paris ! Toujours l’amour !

Sur la vaste étendue, la grande mappemonde du cinéma, il y a beaucoup de continents que j’ignore et beaucoup d’archipels où je ne m’égarerai jamais. Mais il y a des contrées qui devraient m’être proches et où je n’ai pas mis le nez. Il y a presque soixante-dix ans que j’ingurgite des films (j’ai commencé très très tôt) et pourtant Ninotchka n’est que la deuxième œuvre d’Ernst Lubitsch que je regarde et c’est là que je découvre la mythique Greta Garbo dont j’ai eu les oreilles rebattues pendant ma jeunesse (Ah ! Si vous aviez connu Greta Garbo !).

Il y a quelques mois j’avais vu Haute pègre et, plutôt satisfait, mais guère vraiment emballé, j’avais écrit ici même : Je crois bien que Haute pègre est le premier film que je regarde de l’assez réputé Ernst Lubitsch, film que le cinéaste considérait comme sa meilleure œuvre et qui est chanté ici et là avec des trémolos admiratifs sur bien des sites de cinéma. Je ne suis pourtant pas certain que ça m’a donné envie de voir d’autres réalisations de ce metteur en scène, mais je ne rechignerais pourtant pas si m’étaient proposés à bas prix ou par la grâce d’une diffusion télévisée Ninotchka (surtout pour découvrir si Greta Garbo était si belle qu’on l’a dit) ou Jeux dangereux qui est, paraît-il, assez réussi dans le genre sarcastique.

Je n’ai toujours pas regardé Jeux dangereux, mais l’opportunité d’acheter Ninotchka pour trois francs, six sous s’étant présentée, je ne l’ai pas ratée. J’en sors. Qu’en dire ? Eh bien, dût la chose faire vrombir d’indignation les thuriféraires de Lubitsch j’en suis sorti peu satisfait, un peu ennuyé même, ne trouvant nullement les merveilles de subtilité et d’élégance prêtées à ce qu’on a appelé la Lubitsch’ touch. Tout cela est assez poussif et terriblement prévisible, les dialogues, malgré quelques jolies fulgurances, se traînent un peu, l’intrigue – si on peut dire – est d’une totale prévisibilité, mais son déroulement est aussi incohérent que l’est la subite passion ressentie par les deux protagonistes principaux l’un envers l’autre.

Tant à se ficher de la vraisemblance, autant aller, d’ailleurs, vers les fantasmagories de la comédie musicale ; et c’est ainsi que La belle de Moscou de Rouben Mamoulian, remake assumé de Ninotchka, avec Fred Astaire et Cyd Charisse (qui au demeurant ne le cède en rien, en beauté à Greta Garbo) m’a paru bien plus satisfaisant.

Le grand drame horrible du communisme qui a marqué tout le XXème siècle est certes évoqué de façon narquoise mais bien prudente ; les trois rigolos qui sont envoyés par l’Union soviétique à Paris pour tenter de vendre les bijoux admirables de la Grande duchesse Swana (Ina Claire), les histrions Iranoff (Sig Ruman), Buljanoff (Felix Bressart) et Kopalski (Alexander Granach) sont absolument ridicules ; on croirait voir les Marx Brothers ou pire encore les Trois Stooges. Et les scènes dans l’appartement communautaire de Moscou où Ninotchka échoue apparaissent plutôt comme une occasion de gag que comme le résultat d’une politique sanglante et suicidaire.

Greta Garbo ? Ah oui, beau brin de fille, mais j’ai toujours écrit que la denrée est ce qu’il y a de moins rare au cinéma. Excellente actrice ? Pas pire qu’une autre… mais son rire lors de la scène au restaurant (la première fois que Garbo rit titrait la publicité) est d’une absolue fausseté. Et le reste est d’une parfaite banalité ; on ne perçoit aucune émotion dans toute cette histoire. On se demande bien pourquoi ce genre de titres peut demeurer en image mythique…

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