Découvrant Panique – au titre si adapté à la chasse à l’homme qui le conclut – je n’ai évidemment pu m’empêcher de comparer le film de Duvivier à l’autre adaptation tirée du roman de Simenon, le bien plus récent Monsieur Hire de Patrice Leconte… Comment faire autrement, mais que dire de deux œuvres à l’esprit si différent, bien qu’elles soient fondées sur la même trame ?
J’aime beaucoup le film de Leconte, j’aime beaucoup Michel Blanc et Sandrine Bonnaire, et sa musique, obsédante et somptueuse, du grand Michael Nyman ; ex abrupto, il me semble plus attachant qu’un Panique à l’intrigue moins resserrée, moins vénéneuse, moins glacée, plus classiquement contée, avec des séquences un peu trop traditionnelles (la rencontre des deux amants, Alfred – Paul Bernard – et Alice – Viviane Romance – derrière l’église, et l’émoi de la fille perdue à l’écoute des cantiques – comme dans Casque d’or -) ou des séquences presque bouffonnes (le petit monde des commerçants de Villejuif et de leurs clients) ; il y a dans Panique, en tout cas au début, un côté Étude de mœurs narquoise et cruelle qui me semble assez facile…
Mais à bien y réfléchir, un des aspects terrifiants du roman de Simenon – l’aversion physique ressentie par tous devant le personnage de Hire – est sans doute beaucoup mieux rendu par l’allure gluante de Michel Simon, sorte de croquemitaine incompris et détesté instinctivement par tous (en partie à raison : il me semble me souvenir que, dans le roman, il traîne derrière lui une sale affaire de mœurs), alors qu’il ne demande que l’indifférence, à défaut de la compréhension, puisqu’il a renoncé depuis longtemps à la sympathie des humains… Le Hire interprété par Michel Blanc est beaucoup plus attachant, beaucoup plus pathétique, parce qu’il espère – et regrette – beaucoup plus…
Les scènes finales de Panique sont, elles, fort réussies, même si elles demeurent, dans la cristallisation de la haine sauvage de la foule, un peu trop emphatiques, voire artificielles ; signe cruel : Hire, traqué, s’engouffre dans un immeuble pour se réfugier sur le toit : cet immeuble, c’est – on peut le supposer – une coopérative ouvrière dont la façade porte le nom : Le lavoir de la Fraternité ; belle vacherie ironique d’un réalisateur qui n’a jamais misé un sou sur l’innocence de l’âme humaine !
Enfin, voilà ; ce n’est sûrement pas un très bon Duvivier, il y a des ruptures de ton, des faiblesses de construction et Viviane Romance, éternelle garce du cinéma français n’a pas la finesse de jeu de Sandrine Bonnaire ; mais c’est tout de même bien intéressant…