Du peu notoire Maurice de Canonge, dont je n’avais vu jusque là que les bien médiocres Trois de la Canebière, provençalade essoufflée, voici une bien bonne surprise. Découverte par hasard, cette Police judiciaire ne se hausse pas du col, ne se prend pas pour ce qu’elle n’est pas, réunit au générique une bonne panoplie de seconds rôles, constitue un des bons exemples de ce que pouvait être le cinéma du samedi soir : une occasion agréable de se distraire, de frémir, de s’amuser sur des récits sans complication et sans prétention, mais bien menés, vifs, attrayants, agréables à suivre où, à la fin, les bons triomphent et où les mauvais sont punis.
Et là, en plus, il y a un très intéressant côté documentaire qui laisse à penser que le réalisateur a travaillé de concert avec les policiers du 36 quai des Orfèvres et s’est attaché à mettre en valeur les techniques de police scientifique qui avaient déjà, en 1958, connu un bel essor. C’est très pédagogique, cet ‘appel aux avancées scientifiques de l’époque : les cartes perforées pour croiser les informations, les analyses de substances (le sang, les cheveux, la peau), la fluorescence pour faire resurgir des données à peu près effacées sur un simple ticket de blanchisserie, l’accumulation et l’ordonnancement des données qui permettent de retracer le parcours des canailles et demi-sel qui tombent dans les mains des policiers.
Plusieurs histoires criminelles s’entrecroisent, se superposent, se diluent puis reviennent au premier plan au cours de quelques journées – une bonne semaine – qui relatent la vie quotidienne de la Maison. D’ailleurs, régulièrement, la caméra revient sur l’entrée du 36, à 9 heures où se pressent policiers et secrétaires pour prendre leur service. Excellente idée que ce rappel du caractère quotidien des tâches et des travaux : au delà des exploits et recherches, la police judiciaire, c’est d’abord un boulot à quoi s’affairent des dizaines et des dizaines d’employés chargés de tâches diverses.
Les crimes placés au premier plan sont agréablement variés : meurtre, dix ans auparavant, d’un inspecteur de police dont l’assassin a pu bénéficier d’un non-lieu grâce à un faux témoignage ; cambriolage crapuleux par un jeune type qui désespère son pauvre laborieux père ; assassinat sanglant, à coup de tisonnier, de la patronne et de la servante d’un hôtel borgne de Pigalle ; surveillance infructueuse d’un trafic de drogues diverses. Brigade de voie publique, brigade mondaine, leurs chefs et leurs proches collaborateurs, de vieux flics blanchis sous le harnais, tenaces et vigilants, dotés de mémoires longues et prêts à passer les nuits et les jours à traquer, débusquer, appréhender les canailles et à nettoyer les toujours puantes écuries de notre vieux camarade Augias.
Comme toujours dans ce genre de films, parce qu’il n’y a pas de vedette de grande notoriété et que peu de têtes dépassent la moyenne, ça fonctionne plutôt bien, chacun gardant son rang et ne la ramenant pas. De cette façon l’équipe conduite par le commissaire divisionnaire Frédéric (Henri Vilbert) et son meilleur adjoint, le volage Giverny (Yves Vincent), celle que conduit Dupuis (Robert Manuel) avec le concours de Mercier (Guy Decomble) se font mutuellement valoir.
Amusons-nous de découvrir en Violette Chatelard, Anne Vernon, strip-teaseuse et occasionnelle prostituée, complétement à contre-emploi par rapport à ses rôles bourgeois habituels et à revoir, au hasard des séquences, les merveilleuses trognes de Jean Tissier, de Charles Bouillaud, d’Albert Rémy, de Gabriel Gobin, de Daniel Cauchy. Et de voir les tentatives de l’assez mignonne Colette Deréal de parvenir à une notoriété qu’elle n’atteindra, pour peu de temps, qu’en poussant la chansonnette.
En tout cas, ça m’a bien plu.