Je n’ai pas le souvenir d’avoir jamais vu quelque chose de comparable au cinéma. Ce n’est pas vraiment un film à sketches, bien qu’il comporte une vingtaine de parties ; mais certaines ne durent que deux minutes, une autre (la parodie de film de kung-fu) une demi-heure ; et ça part dans tous les sens, on aurait donc bien du mal à déceler une ligne, une idée directrice sinon le parti-pris d’utiliser toutes les recettes du style farfelu. En cherchant bien, on peut trouver certaines analogies avec des magazines complétement timbrés et nettement antérieurs à Hamburger film sandwich – bizarrement intitulé ainsi en France, alors que le titre originel est The Kentucky Fried Movie.
Donc références plutôt du côté de la presse déjantée fin 50/début 60 : Mad aux États-Unis et, en France le premier Hara-Kiri, des trucs composés de tout et de n’importe quoi : photos, dessins, bandes dessinées, nouvelles, fables, publicités détournées, slogans, débordements divers : un joyeux capharnaüm à base de polissonneries, de blagues potaches, de plaisanteries de garçons de bain, de récits baroques, d’inventions cocasses. Délicieux paquets de mauvais goût assumé.
Ceci traduit en images, je ne vois que deux adaptations, des régals de télévision, dues l’une et l’autre à Jean-Michel Ribes et son équipe, Roland Topor, Georges Wolinski, Gébé, François Cavanna, Jean-François Gourio (Brèves de comptoir). Évidemment Merci Bernard ! en 1982-84 et Palace en 1988-89. Un festival de séquences sans queue ni tête, outrancières et délicieuses, souvent grossières, jamais vulgaires. Un must.
Hamburger film sandwich est le deuxième film et le premier succès de l’étrange et rigolard John Landis dont tout le monde, je pense, a apprécié les swinguants Blues brothers ; je voue encore davantage d’intérêt pour un autre film, délicieuse parodie de western du côté des Sept mercenaires, qui s’appelle Three amigos !. Ma science landisienne ne reposait jusqu’alors que sur ces deux films.
Eh bien je me demande si je ne vais pas aller explorer un peu davantage ce continent ; qui est au demeurant fort petit, puisque la filmographie du réalisateur ne compte qu’une vingtaine de titres. Parce que, malgré la difficultés de l’exercice, Landis se tire plutôt bien de l’exercice qui consiste donc à créer un film qui se tient avec n’importe quoi.
Il y a naturellement d’énormes disparités, d’énormes différences de qualité entre les différentes séquences. Malheureusement la plus longue plage de Hamburger film sandwich, la parodie du film de kung-fu Opération dragon m’a paru trop longue et ennuyeuse ; mais il est vrai que je n’ai aucun goût pour ce sous-genre asiatique et n’ai jamais vu un film de Bruce Lee. Celle de film porno (intitulée suavement Lycéennes catholiques en chaleur) est plutôt rigolote. Les fausses bandes-annonce (Il était une fois Armageddon – film catastrophe – et Cleopatra Schwarz – blackploitation – touchent juste. Et la plupart des fausses publicités sont réussies. Une bonne quantité de déchets, mais, avantage du principe du film à sketches, même les pires (La sirène ou Les odeurs) passent vite.
Et il y a des trucs bien amusants notamment Touchorama, Le sexe dans la joie, L’oxyde de zinc. Joyeux, souvent trivial, très fourre-tout. Qui a les narines un peu trop délicates s’abstienne ; mais moi, qui lisais le grand Hara-Kiri à 17 ans, je ne regrette pas : la mise en scène du mauvais goût ne manque pas de qualités.