Se mépriser, voilà la grande affaire !
J’avais bien modérément apprécié OSS 117 : Le Caire, nid d’espions, premier volet de la série qui remet en scène Hubert Bonnisseur de la Bath, espion créé par l’excellent Jean Bruce un peu avant James Bond, qui est – doit-on le rappeler ? – un sujet étasunien et travaille pour une officine (l’OSS) à qui succédera la plus notoire CIA. J’ai le sentiment que le réalisateur, Michel Hazanavicius, ne l’a francisé que pour pouvoir se moquer de nous, avec la parfaite complicité des esprits forts gaulois, qui n’aiment rien tant que l’on se fiche d’eux. Le succès dans les terres du nord de la France de Bienvenue chez les ch’tis qui ridiculisait Flamands, Artésiens et Picards qui jubilaient de se voir présentés en débiles alcooliques et consanguins montre assez cet étrange prurit.
Donc un agent secret séduisant, mais hâbleur, prétentieux, suffisant, insupportable. Un type qui – audace inouïe ! – est qui plus est sexiste, homophobe, raciste. Voilà qu’on fait mine de s’attaquer avec jactance et vivacité à des défauts que chacun dénonce à juste titre mais en faisant mine de les prêter à tout le monde. À tout le moins à ceux qui ne font pas partie du bon côté de la société et que ce bon côté méprise copieusement en jouant les persécutés. On conviendra que ce n’est pas là une des tâches les plus difficiles du monde ; c’est en tout cas une de celles qui permet de se prévaloir d’une belle conduite pour pas grand chose.
Donc voilà : un espion français à sourire enjôleur et main leste est présenté comme une épouvantable nouille ; une nouille d’une certaine qualité, d’ailleurs : comme ses homologues du monde du renseignement, il est altier, castagneur, séducteur. D’une certaine façon, il incarne la France dans ce que ses ennemis ou ses concurrents pouvaient la ressentir : sûre d’elle-même et légèrement méprisante envers le reste du monde, consciente de sa valeur et imbue de sa supériorité. Ma foi ! Je la préférais ainsi que dans cette pauvre petite chose rabougrie, ne cessant de présenter des excuses au monde entier et de pratiquer la repentance et le devoir de mémoire.
C’est en cela que les films de Hazanavicius sont de mauvaises actions : ils enfoncent le clou avec un certain talent et une intense bonne conscience d’humanistes à qui on ne la fait pas ; c’est vraiment le lâche soulagement ou même la merveilleuse lâcheté vers la mansuétude qu’évoquait Montaigne.
Je porte bien haut mes indignations devant un film qui se veut rigolo et complice, qui a remporté tant et tant de succès dans les salles ? Ah, certes, c’est que je n’ai pas vu OSS 117 : Rio ne répond plus. Ou plutôt que je n’en ai vu qu’un bon tiers : agacé et lassé par ce continuel persiflage, j’ai abandonné l’écran de télévision et suis allé me coucher tôt. Ma femme, qui a plus de résignation ou de courage que moi, est allée jusqu’au bout mais n’a pas été plus indulgente, au bout du compte.
C’est un film qui est un produit marketing soigneusement élaboré, à l’idéologie assez douteuse et aux intentions clairement anti nationales. Ce que j’écris va faire rire les esprits supérieurs. Qu’est-ce que j’y peux, d’ailleurs ? Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme !.