Lelouchissime, c’es-à-dire nul !
Invraisemblable : la filmographie de Claude Lelouch doit bien compter 50 ou 60 titres et malgré les bides qui succèdent aux bides, il continue de tourner. Cela étant, il ne se fait plus d’illusion sur le succès de ses pensums puisqu’il offre l’entrée de ses dernières parutions aux spectateurs. Il y a quelque chose d’extraordinaire à ça, qui n’est possible que dans le système archi subventionné du cinéma français (quelquefois à bon escient, d’ailleurs) ; Jean-Pierre Mocky qui a connu la même diarrhée filmique est un autre exemple de l’utilisation du système.
En tout cas, lorsque j’écrirai ici la nécrologie de Lelouch (si vieux que je suis, il a tout de même dix ans de plus que moi), j’aurai bien du mal à trouver quelques qualités à sa filmographie. Je soustrais à ma hargne, naturellement, La bonne année qui est une sorte de miracle à la fois pour sa construction, son scénario et son interprétation. Mais j’y range le bien mièvre Un homme et une femme qui est une des prémisses de l’idéologie doucereuse qui règne aujourd’hui (des histoires enfantines pour adultes), l’ennuyeux Treize jours en France, le surévalué (qui se veut burlesque) L’aventure c’est l’aventure, le pesant Le chat et la souris. le prétentieux Itinéraire d’un enfant gâté, le verbeux Tout ça pour ça.
Je n’ai pas vu grand chose du cinéma de Lelouch (à peu près tout ce que je cite supra) mais tout ce que j’ai regardé m’a confirmé dans la certitude que c’est une outre gonflée par on ne sait quel vent, qui survit comme un ballon de baudruche lancé au vent capricieux, qui évite miraculeusement toutes les aspérités, gambade et caracole, sautille et brinquebale, s’envole n’importe où ; avant sûrement de se dégonfler piteusement.
Viva la vie, en 1984, date encore de l’époque où Claude Lelouch était pris, par le public, au sérieux. D’ailleurs le réalisateur parvient à réunir sur l’écran des acteurs dont on n’imaginait pas la présence : des acteurs solides, brillants, talentueux ; des gens qui n’étaient pas forcément des copains du réalisateur ou des comédiens essoufflés ou de troisième rang. Dans Viva la vie il y a tout de même Michel Piccoli, Jean-Louis Trintignant, Charles Aznavour ; et la superbe Charlotte Rampling ; et aussi celui qui fut une grande vedette des années d’avant, Raymond Pellegrin.
Tout ça pour ça !, pourrait-on dire en parodiant le réalisateur ; et de fait, Viva la vie, c’est minuscule, c’est ridicule, ce n’est rien. C’est une sorte de récit qui se veut subtil et grave, intelligent et grandiose ; c’est une sorte de gloubi-glouba qui met aux premiers plans les risques qu’affronte le monde et l’intervention des extra-terrestres, dans une sorte de mixture indigeste au demeurant peu compréhensible.
Je suis à peu près certain n’avoir rien compris au film ; je ne suis pas certain que ce soit bien important : ça va, ça vogue, ça oscille n’importe comment, n’importe où et les bons acteurs évoqués ci-dessus font tout ce qu’ils peuvent pour écoper, lors du naufrage, les vagues d’eau qui ont tendance à envahir le pont du navire.
L’utilité est, comme par principe, Lelouchienne : filmer semble être au metteur en scène une telle volupté que le réalisateur fait ce qu’il veut, sans se préoccuper d’autre chose. Tout cela serait tout à fait admirable – en tout cas admissible – s’il y avait par derrière un peu davantage.
Mais il n’y a rien : c’est triste et c’est pauvre. On se demande qui est allé voir ça. Et surtout qui a apprécié le film. Car il paraît qu’il y en a eu.