Je viens de découvrir un film bien intéressant et assez original consacré aux malfaisances de Satan et à la façon habile, insidieuse et terrifiante que le Prince des Ténèbres emploie pour pervertir les âmes. L’éditeur n’a pas eu la main mauvaise en publiant l’adaptation d’un roman intitulé Sanctuaire, écrit par James Herbert, écrivain dont j’ignore tout mais qui semble avoir une grande notoriété dans le domaine de la littérature d’épouvante. Notoriété justifiée au vu de l’originalité de l’histoire relatée dans La Chapelle du diable par le réalisateur Evan Spiliotopoulos, avant tout scénariste habitué de films fantastiques.
Ce n’est pas si facile de mettre en scène un film sur le Démon, qui ne soit pas caricatural et simpliste ; la tentation (je choisis le mot à dessein) consiste à multiplier les images épouvantables et à flatter le goût du public pour les coups au cœur. Spiliotopoulos n’est pas absolument dépourvu de ce défaut et les quinze dernières minutes de La Chapelle du diable y tombent carrément, ce qui fait un peu fléchir mon appréciation ; mais je suppose que, commercialement parlant, il fallait passer par là. Dommage : le Diable n’est jamais si convaincant que lorsqu’il s’avance feutré et cauteleux (tiens, voyez La main du diable de Maurice Tourneur pour comprendre ce que je veux dire).
Ce n’est pas facile non plus de tourner, dans une veine très encombrée, un film qui fait peur ; à tout le moins qui fait naître l’inquiétude. D’ailleurs le réalisateur, qui connaît sa grammaire et son vocabulaire cinématographiques, est bien contraint de puiser des idées chez les grands précurseurs. J’ai essentiellement décelé l’influence du Masque du démon de Mario Bava et de l’indépassable Exorciste de William Friedkin. Mais on pourrait distinguer, ici et là, d’autres influences ; d’ailleurs on ne rate jamais ses effets lorsque l’on filme une forêt nocturne envahie par la brume. Et c’est très bien ainsi, parce que c’est là une atmosphère qui fiche effectivement les chocottes.
Pour faire bref, voilà l’intrigue : Jerry Fenn (Jeffrey Dean Morgan), journaliste qui fut célèbre mais qui, grisé par cette célébrité est allé trop loin en inventant de faux faits divers et qui désormais vivote, est appelé pour une pige à Banfield, bourgade perdue du Massachusetts. Le fait divers – la mutilation sadique d’une vache, mode récente qui désormais fait flores – fait long feu. Par une suite de hasards (guère convaincants au demeurant), Fenn découvre l’étrange relation que la jeune Alice (Cricket Brown), orpheline sourde et muette hébergée par son oncle, le prêtre catholique Hagan (William Sadler) entretient avec une Dame qui lui parle et la conseille. Et peu à peu, la Dame conduit Alice à dispenser autour d’elle des miracles ; en premier lieu le sien propre puisqu’elle recouvre la parole.
Apparition et miracles : on évoque donc là la situation de Lourdes, de Fatima, de Medjugorje ; on évoque d’ailleurs assez mal ces sanctuaires de la piété populaire puisque l’Archevêque de Boston (Cary Elwes), émoustillé à l’idée que son Diocèse pourrait abriter un site sacré – et rémunérateur – indique en conférence de presse qu’à Lourdes ont eu lieu depuis 1858, plus de 50000 miracles alors qu’aujourd’hui l’Église ne reconnaît que 70 guérisons. Admettons de toute façon que ce n’est pas dans un film de ce genre qu’on peut trouver une orientation bien ferme et une théologie solide.
Ce qui est très intéressant dans le film, c’est donc la conduite de Satan : c’est lui qui, depuis l’origine mène la danse ; il a d’ailleurs commencé très tôt puisqu’il a dès la fondation de Banfield, en 1845, infesté l’esprit de Mary Elnor (Marina Mazepa), qui fut brûlée, portant sur le visage un masque (c’est là l’influence de Bava) et qui est une ancêtre directe de la jeune Alice et son vecteur maléfique.
Le film ne manque pas de structure et ce qu’il réussit le mieux, c’est de montrer le caractère insidieux, trompeur – à proprement parler satanique – du Démon qui est prêt de triompher. J’aurais aimé qu’il allât au bout de sa logique, dévastant les âmes et la contrée. Mais ça se termine bien.
Dommage : la réalité est moins optimiste.