Il paraît que Bande à part est un film apprécié par Quentin Tarantino qui a appelé sa société de production A Band Apart en hommage au film de Jean-Luc Godard. Diable ! Ce n’est pas que je sois un thuriféraire absolu de l’auteur de Reservoir dogs, mais je ne me suis jamais ennuyé à mourir en regardant un de ses films, je ne leur ai jamais trouvé une infinie vacuité prétentieuse, ni des dialogues moches et abscons, je n’ai pas repéré des tics de filmage exaspérants ; pour tout dire, je veux croire et j’espère bien qu’il demeurera plus longtemps dans les histoires du cinéma que le cagot Genevois que des régiments de gogos ont pris longtemps pour un phare de l’art cinématographique, avant que le monsieur se suicide, d’une certaine façon, après Mai 68, ne survivant que par des copinages éhontés et germanopratins.
Remarquez, en 1964, date de la sortie de Bande à part, le public normal n’avait pas encore exactement pris conscience de la malfaisance de Godard. A bout de souffle n’avait pas déplu, grâce au génie de Jean-Paul Belmondo et au charme frais de Jean Seberg. Plus tard, un charme d’un tout autre ordre, celui d’Anna Karina avait permis de tenir le coup ; et les fesses de Brigitte Bardot dans Le mépris (exigées par les producteurs, on ne le dira jamais assez). C’est vraiment à partir de cette billevesée de Pierrot le fou que les gens sérieux ont commencé à décrocher.
Il y a encore une histoire, dans Bande à part, une histoire inspirée d’un thriller d’un auteur étasunien, Dolores Hitchens, paraît-il fort notoire ; une histoire de tout petits malfrats qui, profitant de la naïveté d’une oiselle à demi idiote décident de s’emparer d’une grosse galette accumulée par on ne sait qui (un certain M. Stolz, qu’on ne verra jamais) dans la maison de Madame Victoria (Louisa Colpeyn, qui, comme on doit le savoir, est la mère de l’immense Patrick Modiano) ; jusque là, rien d’extraordinaire : les mecs qui s’appuient sur le sentimentalisme béat des jeunes filles naïves pour construire leurs mauvais coups sont légion. Quoi qu’en disent les furies féministes d’aujourd’hui, il y a et il y aura toujours un sentimentalisme à la noix qui n’a que peu de chance de disparaître.
Mais, bien entendu, Jean-Luc Godard n’est pas Jean-Pierre Melville, ni même Gilles Grangier ; là où l’on aurait pu voir une solide histoire policière, le Calviniste imbu de lui-même décortique, dissèque, exaspère à sa façon, à sa guise, les relations des trois personnages, sans leur donner pour autant la moindre épaisseur ; car l’épaisseur, c’est à lui qu’il la réserve, pontifiant dans de nombreuses séquences en voix off des évidences qui se veulent graves.
Il y a donc la gourde Odile (Anna Karina) qui a confié à son ami (pas encore amoureux) Frantz (Sami Frey) que dans un secrétaire de la chambre du mystérieux M. Stolz il y a des liasses considérables de billets de banque qui ne demandent qu’à être dérobées. Frantz est sous l’emprise de son ami Arthur (Claude Brasseur) qui est plus vigoureux, plus offensif, moins scrupuleux que son pote et qui va s’emparer sans grande concurrence de la beauté d’Odile.
Ce que je vous raconte là, c’est l’anecdote. En rien le film. Car un film de Jean-Luc Godard, c’est avant tout un monument pontifiant, gluant d’ennui, prétentieux, hautain, qui ne se rend pas compte du ridicule qu’il véhicule. C’est haché, mal fichu, filmé sans inventivité ; allez, là, j’exagère : le cinéaste sait montrer la laideur de la nature en hiver, dans ces banlieues proches, à la limite du confluent de la Seine et de la Marne : de la boue, des feuilles mortes, des arbustes dépouillés, des eaux sales et les bras morts de la rivière, des jardinets minables.
Mais voilà quelque chose sans intérêt, verbeux, prétentieux, dérisoire. On y court ou y roule sans cesse : et pour autant, ça na’a ni vivacité, ni rythme.
Lorsqu’un cinéaste se croit plus important que son film, voilà ce que ça donne.