Il n’était pas impossible penser qu’un film sur quelques unes des frustrations qui ont été entraînées par la libération sexuelle pouvait être intelligent et intéressant. La pesanteur des diktats imposés par cette prétendue libération et les angoisses que peuvent ressentir ceux qui ne répondent pas tout à fait aux critères largement popularisés par la presse féminine (surtout) du type Cosmopolitan ou Marie-Claire méritait en effet un regard un peu subtil sur les déglingues de notre pauvre humanité.
Donc, à Bâton-Rouge, en Louisiane, vivent, d’une façon qui semble bien conformiste, John (Peter Gallagher) et Ann (Andie MacDowell) Mullaney. John est un jeune avocat assez brillant, Ann demeure au foyer ; le couple n’a pas d’enfant. Cynthia (Laura San Giacomo), sœur d’Ann, barmaid, sexuellement très active, est la maîtresse de John qui paraît trouver sa femme un peu popote. D’ailleurs Ann se dit, lors des séances de thérapies qu’elle suit avec un psychologue (Ron Vawter), assez peu intéressée par les jeux du corps et désormais rejette toutes les tentatives de son mari de la toucher.
Arrive dans ce petit panier Graham (James Spader), un ancien camarade d’études de John, qui revient à Bâton-Rouge après neuf années où il a bourlingué et qui a demandé à son ancien copain de l’héberger pour quelques jours, avant qu’il se trouve un studio.
Voilà le décor posé, qui est celui de beaucoup de vaudevilles qui ont fait florès jadis et naguère : une femme qui s’ennuie, à la limite de la frigidité, trompée copieusement par son mari avec sa sœur très dessalée. Et, pour faire bouger les lignes, l’arrivée dans le jeu de quilles d’un séduisant et un peu mystérieux garçon, qui apporte une certaine fantaisie dans le bourgeois quotidien sage d’Ann. On comprend tout de suite que Graham, qui ne respecte pas trop les codes bourgeois de la petite société, va exciter la nymphomanie de Cynthia, mais aussi intriguer, puis intéresser, puis fasciner Ann.
Mais ce n’est pas si facile que ça. Graham, qui, neuf ans auparavant, a connu une vive déception sentimentale avec une certaine Elizabeth (que John se vantera ensuite d’avoir fréquemment sautée), Graham, donc, est désormais impuissant. Et sa sexualité ne peut s’exercer que de façon solitaire en se passant les cassettes vidéos par lui enregistrées où des femmes qu’il a connues expriment, confessent, exhibent leur rapport à la sexualité. Il semble en effet avoir le talent d’inspirer confiance et de pousser celles qu’il filme à lui confier leur intimité profonde.
De cette façon-là, Graham devient, sans même le vouloir, un peu le maître du jeu. Cynthia, puis Ann vont l’une après l’autre venir se confier devant le caméscope. Parallèlement, Ann va découvrir l’infidélité de son mari John et décider de divorcer… avant de se jeter dans les bras de Graham qu’elle guérira de son impuissance comme on peut supposer qu’il la guérira de sa frigidité.
Ça ne manque pas d’une certaine originalité, mais c’est, surtout vers la fin, terriblement verbeux et téléphoné. On aurait préféré que le regard soit placé de façon plus aiguë sur l’étrange pulsion qui a poussé des dizaines de femmes à s’exhiber sans réticences pudiques devant la caméra : je ne trouve ça nullement invraisemblable, puisque le filmage entraîne naturellement une distance qu’on peut estimer rassurante, mais justement, j’aurais bien apprécié avoir un peu plus de développements.