Une femme disparaît

Farfelu sans drôlerie.

Dans la longue kyrielle des films absolument ratés, absolument ridicules du surévalué Alfred Hitchcock (encore tenu par certains comme un réalisateur important de l’histoire du cinéma), ce pensum abracadabrant tient largement sa partie. Aux côtés des plus mauvais films du rondouillard prétendu maître du suspense. C’est bien vrai, Une femme disparaît peut tout à fait s’aligner avec La cordeLa main au colletMais qui a tué Harry ? dans la liste brindezingue des tournages inintéressants, mais qui ne peuvent être critiqués. Tout cela du fait que le gros bonhomme est nimbé d’une aura immarcescible parce que les galopins des Cahiers du cinéma, voulant à tout prix faire disparaître leurs aînés de la Qualité française sont allés le chercher et l’ont promu à un niveau qu’il n’aurait certainement pas revendiqué lui-même, se considérant à juste titre comme un bon artisan du cinéma de divertissement.

Ce qui ne serait déjà pas trop mal si cet homme bourrelé de complexes, de phobies et de désirs inavouables avait tourné en s’appuyant sur des scénarios un peu plus solides. Celui de Une femme disparaît est un modèle d’extravagance ; on s’ennuie devant les efforts désespérés et souvent désespérants des deux principaux protagonistes, Gilbert Redman (Michael Redgrave) et Iris Henderson (Margaret Lockwood) de retrouver la vieille Miss Froy (Dame May Whitty), mystérieusement disparue d’un wagon de chemin de fer qui, empli de Britanniques, est en train de traverser un pays bizarre dictatorial (le film date de 1938 : on voit ce qu’Hitchcock veut dire, j’espère ?).

À dire le vrai, j’ai un court moment espéré que le film allait se tourner vers une certaine direction : celle du malaise et de l’angoisse. Alors que la vieille Miss, prétendue gouvernante d’enfants sages (et en tout cas riches) revient à la vertueuse Albion, semble s’être volatilisée, personne, dans le wagon, ne se souvient de l’avoir rencontrée. Cette sensation un peu terrifiante d’être à la limite de la folie, de pouvoir basculer pour un rien, de l’autre côté du monde réel, ça forme la trame de certains films du malaise qui peuvent être très réussis : Le locataire de Roman Polanski en 1975, After hours de Martin Scorsese en 1985.

En fait, avec l’honnête et ennuyeuse copie de l’élève Alfred Hitchcock, on songe quelquefois aux pensums qu’un Pascal Thomas en fin de carrière réalise avec André Dussollier et Catherine Frot d’après des textes d’Agatha Christie : horlogeries minutieuses du Mon petit doigt m’a dit, du Crime est notre affaire, d’Associés contre le crime. La seule différence est que l’on est dans le cadre très civilisé et guindé de l’Europe d’avant-guerre où tant de choses sont dans l‘understatement : l’hypocrisie d’apparence craintive des deux amants Eric Todhunter (Cecil Parker) magistrat coincé et de sa maîtresse Margaret (Linden Travers), l’évidente homosexualité entre les deux vieux garçons qui ne songent qu’à arriver à l’heure à un important match de cricket Elmer Caldicott (Naunton Wayne) et Chalmers (Basil Radford).

Il devait y avoir un côté Branquignols chez Hitchcock : le goût de faire n’importe quoi à certains moments, de placer des gags au milieu de séquences destinées apparemment à être dramatiques ; il y a par exemple quelques images pénibles et bien ridicules lorsque les deux héros se bagarrent contre un de leurs compagnons de train, le magicien Doppo (Philip Leaver) qui parvient à s’échapper en passant par les double-fonds et les artifices de ses outils de travail : on se croirait dans un vrai et doux nanard des années Cinquante.

Mais c’est de l’Hitchcock et on est sommé d’admirer. Heureusement, ce n’est pas trop long.

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