Nous les gosses

Les temps raisonnables.

Je ne crois pas qu’il existe aujourd’hui des films de gosses, des films où soient mis en avant le monde merveilleux de l’enfance ou de la toute première adolescence, celle où l’avenir s’écrit encore en forme d’aventures fabuleuses. Celle où le monde est plein d’incertitudes où le courage, la détermination, la franchise, l’honnêteté, le dévouement, la générosité ne se sont pas encore mis à plier bagage devant la médiocrité des réalités. Qu’est-ce qui me vient à l’esprit, spontanément ?

 

En premier lieu, bien sûr, les indépassables Disparus de Saint Agil, ce beau trésor de Christian-Jaque et la bien gentille Cage aux rossignols de Jean Dréville ; quoi d’autre ? Pas tellement, au fait, les réalisateurs mettant plutôt leurs projecteurs sur les gamins un peu plus âgés, qui commencent à se révolter (Les quatre cents coups de François Truffaut) ou dont la sexualité s’éveille (Le souffle au cœur de Louis Malle).

Finalement les grandes aventures et les petits soucis de la dixième année sont bien négligés au cinéma. Au point que je ne trouve guère dans ma mémoire que la bien médiocre Guerre des boutons, qui connut un grand immérité succès pour me rapprocher de Nous les gosses. Ce qui n’est pas bien satisfaisant puisque le film de Yves Robert se passe à la campagne, celui de Louis Daquin dans la banlieue parisienne populeuse. Et pourtant, dans l’un et l’autre film, il y a l’affrontement de deux bandes de gamins qui se jouent une petite guerre fondée sur on ne sait quoi, animosités de villages pour La guerre des boutons, rien de bien clair pour Nous les gosses. Au fait, nous ne sommes pas ou plus vraiment dans le cadre de l’école communale mais, m’a-t-il semblé dans celui – pour les plus grands – du cours complémentaire, ce qui préparait au brevet supérieur les enfants qui n’avaient pas été orientés vers la voie glorieuse des collèges et des lycées.

Le film de Daquin quitte d’ailleurs et heureusement bien vite ces dérisoires guérillas pour en venir au bien plus grave : un des enfants, Nicolas Lemoine (Michel Dancourt), un brise-fer issu d’une famille pauvre et sévère (excellente composition, comme souvent, en père violent de Marcel Pérès) vient d’un shoot malheureux de briser la belle verrière de l’école communale. Le directeur (Louis Seigner) fait mine d’en exiger le remboursement ; la somme – 1800 F. – est considérable et il n’est pas concevable que le malheureux Nicolas annonce cette tuile à ses parents : le père le mettrait incontinent en maison de correction.

D’où la formidable conspiration de tous les enfants qui vont se démener ingénieusement pour grappiller sou par sou la somme requise après que les deux bandes se sont réconciliées pour cette bonne œuvre : vente de journaux, lavage de carreaux, apprentissage de l’argot au fils du notaire qui veut se dessaler, sérénades dans les cours d’immeubles. Et même une petite escroquerie qui consiste en se tapissant devant le soupirail d’une cave, à maculer d’on ne sait quoi les chaussures des passants qui n’ont d’autre recours que d’aller faire décrotter leurs souliers aux cireurs complices de la manigance.

Tout cela serait bien simple si un sale type, Gaston (Raymond Bussières), flanqué de son minable acolyte Gros Charles (Émile Genevois) n’espéraient subtiliser le magot aux gosses. Et alors même que le gluant Gaston, qui se croit irrésistible, conte fleurette à la mignonne Mariette (Louise Carletti) qui, de son côté, en pince pour le bel instituteur Morin (Gilbert Gil) ; et réciproquement, si je puis dire.

On le voit, tout cela est simple et pur comme de l’eau de roche. Naturellement les méchants seront punis, après avoir cru triompher et les bons récompensés ; la verrière sera remplacée par l’Administration et les 1800 F. économisés serviront à faire un beau voyage.

C’est charmant, bien filmé, bien distribué (notons une composition farfelue du cher Pierre Larquey et des apparitions de quelques vieilles trognes, Léonce CorneLucien Coëdel, André Brunot). Et puis un brin de nostalgie sur ce monde sage, policé où l’on respecte instituteurs et policiers, où l’on obéit à ses parents, où les bandes antagonistes se pignochent à coups de poing, sans battes de base-ball ou de machettes.

C’était mieux avant, évidemment.

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