Étrange film, d’un étrange réalisateur, sur une étrange histoire !
Il faut d’abord savoir que Gaston Leroux n’est pas seulement l’auteur du Mystère de la chambre jaune et du Parfum de la dame en noir, une sorte d’astucieux et horloger maître du mystère qui grâce au bon bout de la raison constamment évoqué par Rouletabille, son héros emblématique, parvient à créer des récits à l’énigme ingénieuse ; c’est avant tout, il me semble, un créateur d’atmosphère, et d’une atmosphère terriblement angoissante ; lisez donc Le château noir dans la série des Rouletabille, ou, hors cette série, La double vie de Théophraste Longuet et vous découvrirez un maître de l’horreur, doté d’un talent invraisemblable pour vous filer les chocottes !
Et puis, la création du personnage de Chéri-Bibi, bagnard évadé, dont les aventures s’étalent sur six romans tous plus angoissants et prenants les uns que les autres.
Et enfin, Marcel Pagliero, étrange bonhomme, superbe amant de Simone Signoret dans Dédée d’Anvers, homme de mystère et sans doute touche-à-tout de grand talent…
Son Chéri-Bibi de 1955 adapte le premier des six romans de la série, celui qui s’appelle Les cages flottantes où un ramassis de bagnards, tous plus monstrueux et criminels les uns que les autres se trouve cohabiter sur un bateau avec d’honnêtes gens, où une mutinerie éclate, où…
Parmi les mutins, parmi les bagnards, il y a Le Canaque (Arnoldo Foa) et La Comtesse (Léa Padovani); ces criminels-là ne s’occupent-ils que de modifier l’apparence physique de ceux qui le leur demandent, ou mangent-ils aussi de la chair humaine ? Même La Ficelle (Raymond Bussières), qui en a vu pourtant d’autres en frémit…
Et si Chéri-Bibi (Jean Richard, sobre pour une fois), chef des bagnards révoltés, se livre à eux, leur donnant toute sa confiance pour qu’ils lui fassent adopter l’apparence de Maxime Du Touchais, qui a épousé la femme qu’il aime, ne prend-il pas des risques qui dépassent l’enjeu…?
Ah, immense Gaston Leroux, qu’avez-vous fait pour nous donner tant de peur !!!