Secrets et mensonges

Les aventures des gens de peu.

Elle a de l’allure, de la distinction, elle est paisible et parfaitement insérée dans la société britannique de la fin du siècle dernier. Elle est opticienne, elle vit seule, elle vient de perdre sa mère adoptive. Elle est noire, elle s’appelle Hortense (Marianne Jean-Baptiste) et, presque sur un coup de tête, sans besoin identitaire précis, elle décide de retrouver sa mère biologique, sa génitrice, qui l’a abandonnée à sa naissance. Curiosité plus que besoin : son équilibre personnel n’a pas besoin de davantage. Mais enfin, dans une vie sans doute un peu vide, elle se prend au jeu, elle cherche.

La mère biologique, Cynthia (Brenda Blethyn) est une pauvre femme minable, à l’âme faible et au corps d’accès facile, qui boit beaucoup pour oublier la nullité de son existence. Ouvrière à la chaîne dans une cartonnerie, elle est la mère insuffisante et dérisoire de Roxanne (Claire Rushbrook), une grande fille moche et agressive qui vit – mal – de petits boulots et qui entretient avec sa mère une relation brutale et exaspérée. Elle est aussi la grande sœur de Maurice (Timothy Spall), artisan photographe qui ne manque pas de talent pour réaliser les clichés de la vie banale de la modeste classe moyenne. Maurice, mari de Monica (Phyllis Logan), petite bourgeoise attachée à la décoration de son bungalow et à son confort médiocre, Maurice très attaché à sa sœur Cynthia et à sa nièce Roxanne, mais trop soumis à Monica pour s’en occuper vraiment.

On mixe tout cela. Hortense, la Noire équilibrée qui est au seuil d’une strate sociale supérieure, découvre, dans les méandres des documents officiels, que sa génitrice est blanche. Elle va la rencontrer et les deux femmes passent au dessus de leurs mutuelles préventions ; dans la famille de Cynthia personne ne sait qu’à l’âge de 15 ans elle a accouché, à la suite d’une aventure avec un Étasunien de passage, d’une enfant qu’elle n’a pas même voulu regarder.

Voilà les principes posés et le scénario lancé sur ses rails. Un peu rocambolesque, peut-on juger, muni de prémisses peu vraisemblables et d’un déroulement qui frôle assez souvent le mélodrame. Triste atmosphère anglaise, à base de quartiers salis, de maisons de brique, de ciels bas, qui fait naturellement songer à celle des films de Ken Loach, déduction faite des prises de position politiques. Et pourtant tout cela est sous-jacent, comme dans le cinéma des frères Dardenne. La pauvreté n’est pas seulement économique, elle est aussi et surtout intellectuelle et affective.

Et pourtant tous ces gens sont pitoyables, attachants, peu disposés à parler, à s’ouvrir, habitués à souffrir, à subir la médiocrité de leur vie. Puis de temps en temps à ouvrir les vannes, à se lâcher, à affronter les règlements de compte et les secrets de famille.

Sans doute est-ce un peu long et sûrement un peu trop pesant ; mais c’est intelligent, vivant, agréable à suivre. Ça se termine bien ; en tout cas en principe et au bon moment. Reste à savoir ce qui se passera ensuite…

 

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