Presque six heures et demie pour conter l’immense aventure des quatre évangiles, en essayant d’y inclure à la fois toutes les péripéties de la vie de Jésus de Nazareth et la force nouvelle de son enseignement, ce n’est pas excessif.
Surtout lorsqu’on divise le propos en quatre épisodes télévisés, que l’on prend tout le temps qu’il faut, sans abuser le moins du monde d’ellipses et d’allusions.
La série a d’ailleurs, paraît-il, connu un immense succès international.
Il n’est pas mauvais non plus qu’on emploie des moyens techniques importants, de nombreux figurants, des décors spectaculaires, des costumes convaincants. Et cela même si on peut, dans un tout autre esprit, préférer la sécheresse brûlante de Pier Paolo Pasolini qui filma en 1964 le seul Évangile selon saint Matthieu. Et donc n’évoqua pas des récits aussi notoires que le pardon accordé à Marie-Madeleine (Anne Bancroft) ou celui du bon et du mauvais larron au Golgotha, qui ne sont que chez Luc, ou celui des Noces de Cana (lorsque Jésus transforme l’eau en vin), qui n’est que chez Jean.
Je ne suis pas tout à fait convaincu, en revanche par l’emploi en guest stars de très nombreuses vedettes internationales. Certaines n’apparaissent que quelques instants à l’écran : ainsi Claudia Cardinale, la femme infidèle qui est sauvée de la lapidation par Jésus ; ou Fernando Rey et Donald Pleasence qui interprètent l’un Gaspard, l’autre Melchior, deux des Rois mages qui, du bout du monde, viennent adorer le nouveau-né à Bethléem. D’autres visages connus ont des rôles un peu plus consistants : Peter Ustinov en roi Hérode, Anthony Quinn en grand prêtre Caïphe, Rod Steiger en centurion romain intrigué puis séduit par l’action et la parole du crucifié. Comme le sont Nicodème (Laurence Olivier) et Joseph d’Arimathie (James Mason). Mais enfin tout cela devait être nécessaire à l’équilibre économique du projet, tout comme la contribution musicale – peu remarquable, au demeurant – de Maurice Jarre.
Notons aussi que Franco Zeffirelli a fait appel à de sacrés scénaristes, qui ont condensé, synthétisé les évangiles : la grande Italienne Suso Cecchi d’Amico (rien moins que le voleur de bicyclette, Le pigeon ou Le guépard) et Anthony Burgess (faut-il rappeler Orange mécanique ?)
De fait, du seul point de vue de l’exhaustivité, rien à dire, ou presque : c’est du beau travail, à quelques exceptions près. On se demande pourquoi ne sont pas évoqués quelques moments importants et significatifs : la retraite de quarante jours au désert et les tentations suscitées par Satan ou bien l’épisode, lors de l’arrestation de Jésus à Gethsémani (le Jardin des oliviers), de l’oreille tranchée du sbire Malchus (le refus de la violence).
Mais aussi quelques interprétations douteuses. Certaines, minimes : Élisabeth (Marina Berti), mère de Jean-Baptiste, paraît avoir presque le même âge que sa jeune cousine Marie (Olivia Hussey). Surtout l’importance donnée aux Zélotes, ces Juifs patriotes qui résistaient à l‘imperium romain et à qui Judas (Ian McShane) aurait été affidé. Plus encore la présentation de Barabbas (Stacy Keach) comme un agitateur politique et non comme un assassin, un criminel ; ce parti-pris bizarre conduit à un contre-sens évident sur la décision de Pilate de proposer au peuple juif en alternative la libération de Jésus ou celle de Barabbas.
On pourrait gloser à l’infini sur ce travail, néanmoins honnête. Mais surtout, ce qui manque au film, c’est de la flamme, de l’épaisseur, du souffle ; quelque chose à la fois d’épique et de spirituel, de douloureux et d’exaltant ; ce qu’avait réussi à merveille Mel Gibson dans sa Passion du Christ de 2004. Avec Zeffirelli l’on a droit à une illustration bien léchée et très hollywoodienne, très professionnelle, mais sans puissance aucune d’une histoire qui irrigue le monde depuis deux mille ans.
Et qui l’irriguera toujours.