Sujet britannique qui a, je crois, effectué toute sa carrière en France, Christopher Frank est un étrange personnage. Tour à tour – ou simultanément – romancier, scénariste, dialoguiste, réalisateur. Multiples talents, multiples dons mis au service d’une certaine fascination pour le monde mystérieux des femmes. En tout cas pour le mystère que présente, pour les hommes qui s’y intéressent, la façon de penser de l’autre partie de l’humanité. L’humoriste Jean Amadou disait, de façon plaisante et évidemment parcellaire Les femmes, il faut les aimer ou essayer de les comprendre. Aucun homme n’a une espérance de vie assez longue pour faire les deux. On a fait des gloses aussi sur l’aphorisme selon quoi Les femmes de Vénus, les hommes de Mars et autres interrogations.
Toujours est-il qu’il y a une terra incognita assez fascinante que l’on peut s’efforcer – en vain, naturellement – de découvrir. Christopher Frank s’est souvent lancé dans cette exploration. Romancier de La nuit américaine, qui sera adaptée en 1975 par Andrzej Zulawski sous le titre (un peu idiot) de L’important c’est d’aimer ; scénariste d’Eaux profondes de Michel Deville en 1981 ou de Cours privé de Pierre Granier-Deferre en 1986 ; réalisateur de ses propres écrits L’année des méduses en 1984, Elles n’oublient jamais en 1993. Et, en 1983, de cet intéressant Femmes de personne.
Un cabinet de radiologie très chic, parc Monceau. Au côté de Bruno (Bernard Farcy) qui semble être le patron, ou le directeur, trois femmes médecins Isabelle (Caroline Cellier), Cécile (Marthe Keller) et Adeline (Fanny Cottençon) ; les deux premières atteindront bientôt la quarantaine ; la troisième n’a pas trente ans, pas plus que la secrétaire médicale Julie (Élisabeth Étienne). Toutes les quatre sont vraiment belles.
Et pour toutes quatre, la vie est un désastre. Isabelle/Cellier, mère de deux grands enfants est malheureuse dans le couple incertain et tendu qu’elle forme avec Marc (Patrick Chesnais), assureur. Divorcée, mais restée en bons termes avec son ex-mari (Pierre Arditi), Cécile/Keller multiplie les amants de passage sans s’en cacher le moins du monde de son grand garçon ; il lui arrive d’héberger ce qu’on croit être son meilleur ami, Antoine (Philippe Léotard), giton homosexuel, alcoolique et joueur de poker. Adeline/Cottençon) collectionne les amants et les rencontres, pour n’avoir pas pu s’attacher assez un chorégraphe (Pierre-William Glenn) qui ne peut ou ne veut se séparer de sa femme. Julie/Étienne est, elle, de ces filles qui naviguent du côté de la prostitution de luxe.
On voit que tout va pour le mieux dans ces méandres ravagés de la libération sexuelle. Ne pas oublier qu’en 1984, date de tournage du film, on n’a pas encore fait connaissance avec le bon docteur Sida et que l’on croit encore à la parenthèse enchantée. La prospérité matérielle de notre petit monde ne dupe personne, en fin de compte.
Christopher Frank va encore un peu corser le tableau en faisant intervenir Michel (Jean-Louis Trintignant) entrepreneur de bâtiment, père d’une camarade de classe du fils de Cécile/Keller et mari très absent d’une pianiste virtuose (Yvette Delaune). Michel qui ne peut donner à Cécile qu’une heure le soir ou trois quarts d’heure dans la journée…
Et puis voilà c’est tout, ou presque. Isabelle/Cellier qui est enceinte, va peut-être un peu reconquérir son Marc en le faisant coucher avec Julie (je sais, c’est bizarre), Cécile/Keller va renvoyer Michel à ses constructions et demeurer dans sa solitude, Adeline va essayer de se suicider, Julie changer de boîte…
Telle est la vie des hommes… Enfin, surtout des femmes…