Vilaine fille, mauvais garçons.
Une – une seule – bonne idée peut-elle suffire à porter un film qui se veut d’épouvante ? Pourquoi non si cette idée est creusée, enluminée, exposée et parvient à irriguer tout l’espace… Si elle chatoie, séduit, finit par intriguer, inquiéter, glacer ? Le reste est l’affaire de technique, de photographie, d’acteurs et d’actrices. Et on peut même supporter les tics de réalisation d’un metteur en scène qui fait joujou avec les beaux outils que le cinéma d’aujourd’hui offre : caméras intrusives, atmosphères savamment éclairées, virtuosité des mouvements de caméra. Et ce qu’il a depuis longtemps offert, mais dont il ne faut pas pour autant abuser : plongées, contre-plongées, gros plans très gros, coups de zoom, caméra à l’épaule, etc. De meilleurs connaisseurs des techniques que moi pourront compléter.
Gothika est un film qui se veut beaucoup psychologique, un peu horrifique. Il fait des emprunts (indécents à mon sens) à Vol au dessus d’un nid de coucou en filmant l’atmosphère pathétique d’un asile de fous ; de folles criminelles en l’occurrence, car il s’agit de l’unité psychiatrique d’une prison. Par parenthèse, je signale aux futurs cinéastes qui voudraient s’établir dans ce genre de délicieux lieu d’existence qu’ils auraient grand avantage à regarder la fin de Music lovers de Ken Russell qui, à bien des égards, mérite le voyage;
Donc la gracieuse Miranda Grey (Halle Berry) est médecin dans une de ces unités psychiatriques. Son mari, également psychiatre, Douglas (Charles S. Dutton), sorte de gros nounours noir rigolo et elle paraissent vivre une belle histoire conjugale, même si un de leurs confrères, Pete Graham (Robert Downey Jr.) aspire assez fort à séduire la belle qui n’est pas tout à fait insensible à ses avances.
Voilà qui se gâte vite : une route coupée, une déviation, une jeune fille esseulée sous l’orage qui frappe : Miranda reçoit une sorte de choc électrique brutal. Quand elle se réveille, elle est elle-même incarcérée dans une cellule de l’unité psychiatrique, plus que soupçonnée d’avoir assassiné son mari sauvagement, à coups de hache. Diable ! (si j’ose dire !)… Tout le monde paraît considérer que Miranda est coupable et qu’elle a sans doute agi dans une phase d’abolition du discernement. Mais elle sait qu’elle n’est pas folle ; mais sait aussi qu’elle est, en quelque sorte, agie par une force extérieure qui tente de l’alerter et de lui faire comprendre qu’elle n’est pas seule.
Un des défauts du film de Mathieu Kassovitz est la répétitivité. Il serait tout de même bien utile que certains comprennent que, si excellents acteurs qu’ils sont, ils n’ont pas la stature et la qualité pour entrer dans la réalisation. Ils croient que mettre en scène un film consiste à s’entourer d’une équipe technique de bon niveau, de faire appel à des trucs filmiques éprouvés et de dérouler un scénario à suspense pendant toute la durée réglementaire. Que nenni ! Un bon film, c’est beaucoup plus compliqué que ça, sauf si on se satisfait d’en mettre plein la vue aux cerveaux décérébrés des salles de banlieue.
Dès que l’intrigue devient redondante et ennuyeuse, ça patine. Il faut que je reconnaisse à Gothika une qualité : celle d’avoir fait surgir en me surprenant la personnalité du tueur ; des tueurs. Le mari de Miranda, le Docteur Grey (Charles S. Dutton) et son meilleur ami, Bob Ryan (John Carroll Lynch), le shérif du patelin. Mais ça s’arrête là ! Alors que c’est là qu’il faudrait enfoncer le clou : qui, pourquoi, comment ? Dans un film d’horreur, c’est à la qualité de la peinture des méchants qu’on reconnaît la qualité du film. Si tout le monde se souvient d’Hannibal Lecter, le subtil cannibale du Silence des agneaux (et des suites), c’est parce qu’il a une réelle épaisseur humaine.
Qui pourrait me dire, au vu des personnages affreux de Gothika ce qu’ils représentent ? Ils ont encore moins de substance que les clients déments des monstruosités d’Hostel. Après ça, tout le fourbi sur les morts malheureux qui reviennent, les fantômes qui exigent vengeance, tout le tremblement n’a pas beaucoup d’intérêt.