Et de deux !
Pain, amour et jalousie commence exactement là où s’achève Pain, amour et fantaisie. On est au lendemain de la fête de saint-Antoine et les deux couples d’amoureux sont réunis : le Maréchal des logis-chef Antonio Carotenuto (Vittorio De Sica et la sage-femme fille-mère Annarella (Marisa Merlini) pour les aînés et, pour les jeunes, le carabinier Stelluti (Roberto Risso) et la sauvageonne, la bersagliera Maria (Gina Lollobrigida).
Il s’agit donc de faire rebondir l’attention alors que les carottes paraissent cuites dans le doux pot-au-feu de l’hyménée promis (je sais ! l’image est hardie !) ; d’où la jalousie, inévitable, évoquée dans le titre.
Et bien, à vrai dire, j’espérais que la suite serait meilleure que la première livraison et les premières minutes me confortaient dans cette attente : d’abord un excellent carton de pré-générique signalait que les événements survenus dans la fictive bourgade de Sagliera, située dans les Abruzzes (et non en Calabre comme je le supposais) sont parfaitement fictifs et que les carabiniers qui y sont mis en scène dérogent donc à (je cite) la sévère tradition de l’Armée qui, bien que pétrie d’humanité latine, astreint chacun de ses membres à une inflexible discipline morale et militaire qui, depuis, plus d’un siècle, est son legs le plus glorieux.
Cette goguenardise distante et la rencontre du Maréchal des logis-chef avec l’orchestre qui a joué, la veille, lors des festivités placent le film sur des bons rails ; mais il faut bien avouer que ça patine presque tout de suite et que, comme pour Pain, amour et fantaisie, ça ne décolle jamais.
En fait, là où l’on s’attend, grâce au nom de Comencini à une comédie italienne, à une préfiguration du Pigeon, des Monstres, du Fanfaron et de tant d’autres merveilles, on demeure dans le registre assez banal d’une farce, d’un vaudeville monté sur d’éternels ressorts de méprise, de suspicion, de quiproquos, de caleçonnades…
Pour être juste, il faut admettre qu’il commence à y avoir un petit peu de la rassurante amertume qu’on trouvera quelques années plus tard : c’est ainsi que l’histoire entre le Maréchal et la sage-femme est vraiment rompue par la survenue du père de l’enfant du péché ; mais c’est à peu près tout : il n’y a rien de féroce, rien d’aigu, rien d’acide dans ce brave petit film misanthrope…
J’ai écrit misanthrope ; j’aurais dû préciser qu’il est surtout misogyne, tant les racontars de toutes les pestes du village (la servante de la sage-femme, la nièce du curé) présentent les femmes sous un jour minable, alors que les hommes sont plus positivement éclairés (l’excellent prêtre Don Emidio (Virgilio Riento), le carabinier Stelluti, généreux comme le bon pain).
Me reste à découvrir Pain, amour, ainsi soit-il, qui est de Risi et non de Comencini ; mais je crains d’être pareillement déçu…