Le bois des amants

Naufrage absolu.

Que c’est triste, un naufrage pareil ! Que c’est accablant, pour ceux qui les ont aimés de voir des auteurs qui n’ont plus rien à dire, qui sont frappés d’une sorte de paralysie créatrice, tenter de se maintenir à la surface, se lancer dans des sujets qu’ils ne maîtrisent plus et de sombrer corps et biens dans un torrent d’indifférence ou d’agacement !

Car Autant-Lara fut un grand réalisateur, amer, noir, cynique et désespérant, l’auteur de Douce, de L’auberge rouge, de La traversée de Paris, mais aussi du Blé en herbe, du Rouge et le Noir, de En cas de malheur… En tout cas, ensuite, il y a une rupture…

Mes souvenirs de La jument verte sont anciens, mais guère fameux ; il y avait eu ce parfum de scandale autour de cet homme, détesté par la bien-pensance (et qui, par un ultime pied-de-nez, se voulut encore davantage exécré de tous – en tout cas du milieu du cinéma – en conduisant la liste du Front national aux élections européennes de 1989) et La jument verte avait été interdite de projection par plusieurs municipalités ; il y avait eu les mythiques Régates de San Francisco censurées et jamais reprojetées… Tout cela pouvait laissait penser à une vigoureuse et salutaire envie de ne pas céder aux ukases de la Nouvelle Vague, qui le détestait…

La fin de carrière a été plus bizarrement consensuelle (Le Journal d’une femme en blanc, Le franciscain de Bourges) mais finalement assez insignifiante…

Que dire alors de ce Bois des amants qui date de 1960 ? Que c’est une horreur d’ennui et de fausse audace, malgré un argument d’apparence hardie, la rencontre dans une vieille maison battue par les flots de la femme d’un officier allemand et d’un jeune Résistant… Sans doute y avait-il l’idée initiale de taper sur tout ce qui bouge, les bombardements anglais, qui tuent les civils, les officiers allemands qui se gobergent, les Résistants qui doutent de leur mission et de leur identité…

Mais c’est plat, ennuyeux, mal dialogué, mal filmé, épouvantable ! On a peine à voir la grande Françoise Rosay aussi empotée, alors même (ce n’est donc pas une question d’âge !) elle sera si épatante dans Le cave se rebiffe l’année suivante ; et si je n’ai pas pour Laurent Terzieff une admiration éperdue, il vaut tout de même bien mieux que ce rôle d’agaçant jeune homme incertain…

Qu’est-ce qui s’est passé ? Comme aux plus beaux temps d’Autant-Lara, les décors sont de Max Douy, la musique de René Cloerec… L’histoire est adaptée par René Hardy, l’auteur d’Amère victoire et de Triple cross, qui n’est pas un manchot…

Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est ce qui se passe lors d’un naufrage ?

Leave a Reply