Désiré

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Ce qu’il y a derrière la porte…

Quoi qu’en dise François Truffaut dans un des (brefs) suppléments de cette édition, Désiré n’est pas, à mon goût, du meilleur Guitry, ni intrinsèquement (je préfère très largement les grandes fresques para-historiques, comme Les perles de la Couronne ou Remontons les Champs-Elysées), ni même dans le registre du théâtre filmé (à côté, par exemple du merveilleux Faisons un rêve).

Théâtre filmé, passage à l’écran d’une pièce de boulevard à succès, va encore ! Mais l’intrigue est trop ingénieuse, trop paradoxale, trop équilibriste pour qu’on y trouve vraiment son content, une fois passé le bonheur toujours extrême du feu d’artifice des répliques brillantes et des mots d’auteur. Et puis, il me semble que Guitry-acteur est un soupçon moins convaincant dans le rôle d’un valet de chambre (à quoi le confine Désiré) que dans son rôle habituel de Grand bourgeois lettré…

desireCela étant dit, c’est tout de même extrêmement intéressant et ça mérite largement qu’on s’y arrête. Le générique est un bijou d’ingéniosité, sans doute un des plus réussis du Maître : Guitry entre sur scène, en veston (c’est l’auteur), sur un plan de coupe devient valet de chambre, et présente la photo des personnages du film ; au moment même où Sacha/Désiré achève de dire tout le talent des techniciens qui l’ont assisté, une sonnette impérieuse retentit : on l’appelle à l’office !

La première partie, qui se passe à Paris, est, à mes yeux, assez largement supérieure à la seconde : et notamment le dialogue entre la femme de chambre (Arletty) et la cuisinière (Pauline Carton) est remarquable : réflexions vachardes sur les maîtres, commérages, médisances, insinuations, ragots, tout cela fait penser au fameux déballage des bonnes dans Pot-Bouille de Zola que Trublot écoute, effaré : les serviteurs sont, comme les maîtres, avides, paresseux, caqueteurs, méprisables…).

desire08Puis Désiré (Guitry, donc) se présente pour être le nouveau valet de chambre, et il est embauché par Madame (comme toujours la ravissante Jacqueline Delubac) malgré un incident un peu… délicat qui est survenu dans sa dernière place : cédant à la douceur d’un soir, il a séduit sa patronne, qui n’a pu que le renvoyer…et c’est là, chez lui, un tropisme habituel qui ne lui permet pas de faire de vieux os dans une place. Il va donc tout faire pour ne pas retomber dans ce travers…

Le procédé est un peu artificiel, et davantage ; il devait néanmoins correspondre, chez Guitry à une certaine fascination pour les amours ancillaires puisque on retrouve, vingt ans plus tard, presque exactement la même situation, beaucoup moins développée, dans un des passages de La vie à deux (1958), avec, pour protagonistes Liselotte Pulver et Gérard Philipe.

La seconde partie – le second acte – qui se passe à Deauville est de moins bonne tenue, tenant quelquefois de la farce – le dîner avec une amie sourde (Alys Delonce) – et en tous les cas du procédé.

Alors, pourquoi ma note de 5 ? Parce qu’il y a plein de mots délicieux (Je suis un homme attiré par ses maîtresses, dont il ne peut pas être l’amant !), des acteurs fabuleux (remarquable Jacques Baumer, grandiose Saturnin Fabre), une rareté (Pauline Carton se couchant les cheveux dénoués !).

Parce que Guitry encore et toujours !

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