En 1964, Adrien Dufourquet, L’homme de Rio, (si bien interprété par Jean-Paul Belmondo, qui avait alors tant et tant de talent), est revenu du Brésil, a été démobilisé, a épousé Agnès Villermosa (Françoise Dorléac), a vécu un bonheur sans nuages jusqu’à ce que, en 1967, cette chienne de vie, au détour d’un virage dangereux, lui ravisse Agnès, vraiment femme de sa vie.
Adrien, alors, a beaucoup changé. De nom, d’abord ; il s’appelle maintenant Édouard Choiseul ; de métier, ensuite : il est devenu pianiste virtuose ; de regard sur la vie, enfin : de fidèle qu’il était à sa merveilleuse Agnès, dont on lit le regret dans son œil toujours un peu triste, il est devenu une sorte de boulimique effréné, de Dom Juan invétéré, de cavaleur impénitent qui veut toutes les femmes, puisqu’il les aime toutes.
Il a refait sa vie, comme on dit si sottement, avec Lucienne (Annie Girardot), qui n’a franchement pas vraiment apprécié les numéros d’équilibrisme de son partenaire ; il vit aujourd’hui avec Marie-France (Nicole Garcia), qui n’est pas vraiment dupe de ses cavalcades chatoyantes, et qui sent monter, tout de même, au fil des jours, une incapacité à accepter les folies de cet homme aussi insatiable qu’inconsolable…
Cet homme, cet artiste couvert de femmes, les veut toutes et les a toutes, moins pour les aimer – on ne peut raisonnablement pas lui prêter une aventure avec son imprésario, Olga (Lila Kedrova), qui a quinze ans de plus que lui, et, malgré le charme extrême de Suzanne Taylor (Danielle Darrieux), il n’ira pas plus loin qu’une songerie tendre, avec elle – , moins pour les aimer, donc, que pour les inclure dans son capharnaüm de regret de ne pas, précisément, les avoir toutes…
En attendant, il s’amuse avec de jolies filles, pas vraiment malignes, comme Muriel (Catherine Alric), et il jongle avec les emplois du temps, les mensonges et les promesses ; mais quand il rencontre Valentine (Catherine Leprince), sa fraîcheur, sa sensualité, son insouciance, on a l’impression que, quinze ans après, il revoit, en un instant fugace, une Agnès hardie, belle, aimante…. mais les quinze ans ont passé, le monde n’est plus le même et il n’a plus le temps de recommencer….
Philippe de Broca a tourné là non pas son meilleur film, mais le plus tendre et le plus triste, un film rose et gris, sur l’éternelle insatiété, le temps qui passe, et l’envie d’embrasser tous les jupons du monde… Et Jean Rochefort, en Edouard Choiseul est bien à la mesure d’Adrien Dufourquet (Jean-Paul Belmondo), mort, presque en même temps qu’Agnès, sur une route de campagne qu’on n’a jamais trouvé aussi idiote que ce soir…
Pour être davantage qu’un film formidable, il manque au Cavaleur sans doute cette petite touche tragique qu’un Risi sait distiller ; la vie d’Édouard Choiseul, cavalcade insatiable, n’est pas une très grande réussite ; mais, sauf à de rares moments, on fait comme si on ne s’en apercevait pas…