J’ai souvent bien aimé les films un peu foldingues réalisés par des Belges : C’est arrivé près de chez vous – dans le genre sanglant sarcastique, mais aussi, plus tendres, mais aussi angoissés (Le vélo de Ghislain Lambert, Les convoyeurs attendent, voire Quand la mer monte). Qu’on s’en étonne ou non, nos voisins d’Outre-Quiévrain (comme écrivaient les journalistes sportifs quand il y avait encore de vrais journalistes dans L’Équipe), nos voisins de Wallonie et de Flandre possèdent un méchant petit grain de folie qui fonctionne souvent bien. Grain éclatant dans a délicieuse série Strip tease de Jean Libon et Marco Lamensch. C’est vrai en littérature aussi, avec Jean Ray, par exemple : un mélange à doses variées et inégales de bouffonnerie, de grotesque et souvent de cruauté et de désespoir.
Bénéficiant d’une réputation confidentielle mais affirmée de sévère loufoquerie, Dikkenek est, paraît-il devenu un de ces films-culte que des publics restreints mais réels adulent ou affectent d’aduler. Ceci histoire d’épater le bourgeois, comme le font les jeunes crétins de Jackass. Que ça ne fasse pas dans la nuance n’est pas ce qui me dérange : qu’on rote, pète, pisse, baise, mange des quintaux de chips et boive des hectolitres de bière fait partie du quotidien de tous. Qu’il y ait des sales cons prétentieux et vicelards tout autant que de baleines obèses n’a rien pour étonner qui regarde le monde sans se boucher les yeux.
Encore faut-il qu’au milieu de ce pandémonium de médiocrité il y ait un bout de fil directeur, une petite trame qui relie les personnages autrement que par le pur hasard. En d’autres termes, au milieu du chaos vomitoire, il faut qu’il y ait un minimum de rigueur ; je sais que c’est là une injonction contradictoire, mais je n’y peux rien s’il est difficile de réussir un bon film. Vous vous y risquez, vous ?
Eh bien le nommé Olivier van Hoofstadt s’est risqué à ça. Avec des acteurs qui ne sont pas médiocres (mais un acteur ne vaut que ce que vaut le réalisateur, habituellement) mais qui semblent jouer n’importe quoi dans ce qui est effectivement du n’importe quoi.
Le film doit se situer à Bruxelles ou dans sa périphérie ; ce qui en soi n’a absolument aucune importance.
Rien n’a d’importance, d’ailleurs. Jean-Claude (Jean-Luc Couchard), un type qui vit de rapines et de trafics médiocres tente de pousser son ami d’enfance, le timide Stef (Dominique Pinon) vers le dépucelage. De façon mal compréhensible, ces deux crétins structurels fréquentent deux jolies filles, Nadine (Marion Cotillard) maîtresse d’école droguée et Natacha (Mélanie Laurent), jeune femme oisive.Une fois que j’ai écrit ça, je me demande ce que je pourrais bien dire d’autre. Il n’y a rien, rien du tout dans ce film. Non seulement tous ces gens sont nuls, médiocres, ridicules, puants mais ils n’ont pas le moindre grain d’humanité qu’avaient les minables Romains filmés par Ettore Scola dans Affreux, sales et méchants.
Ce film est d’une abyssale, totale nullité. Inutile et fier de lui. Une pitié.