Le concert

Oracles sibyllins.

Drôle de film, qui n’est pas dépourvu de qualités, mais qui est foutraque et farfelu sans jamais se décider à aller dans un sens ou dans un autre. Un film qui balance entre les drames de la dictature communiste soviétique sous le gracieux Léonide Brejnev (la déportation et l’internement d’instrumentistes juifs, la révocation du chef d’orchestre qui les dirigeait) et une sorte de canular bordélique qui se déroule en France. Après tout, pourquoi pas ? On pourrait songer, de temps en temps – mais le talent en moins – aux œuvres du grand Albert Cohen, la tragédie de Solal et d’Ariane, les ridicules de la famille Deume, les folies furieuses et poétiques des Valeureux ; mais vraiment, je le répète, c’est le talent, le génie en moins. En beaucoup plus, c’est moins.

Donc dans l’Union soviétique des années 80, l’époque de la glaciation sans ambition de la Russie, survit à Moscou un homme qui fut un prestigieux conducteur d’orchestre, Andreï Filipov (Alexeï Gouskov), qui est désormais quelque chose comme balayeur, homme d’entretien du prestigieux théâtre Bolchoï où il régnait jadis en maître. Il a eu le scandaleux tort de continuer à travailler avec ceux de ses musiciens qui étaient juifs et persécutés comme tels par le communisme. Et voilà que comme ça, sur un miracle inopiné, Filipov intercepte une invitation lancée au Bolchoï par le Théâtre du Châtelet de venir jouer à Paris. Le patron du Châtelet, c’est Olivier Duplessis (François Berléand) ; au fait, c’est peu dire que Le concert n’aura rien apporté à la notoriété de sa carrière, moins encore à sa qualité : service minimum et souvent excessif.Par on ne sait quelle folie obsidionale, Filipov décide de faire un coup : substituer à l’orchestre officiel du Bolchoï les artistes de son propre orchestre, éparpillés un peu partout et, par une magnifique imposture, les présenter et les imposer comme les authentiques actuels interprètes.

Là encore, pourquoi pas ? La gageure est amusante et peut conduire vers des facétieuses extrémités. Mais c’est aussi là que le film se casse la figure. D’abord parce qu’on ne comprend plus rien à l’accumulation des épisodes et des péripéties. Et puis – et surtout – parce que la loufoquerie ne peut être conduite qu’avec un grand talent architectural, une capacité presque chirurgicale à faire avancer intelligemment le récit. Toutes les pitreries, toutes les anomalies, toutes les cingleries que l’on nous adresse dans la figure se veulent importantes et éruptives. Elles ne le sont en rien, elles ne sont que des accumulations de ratages sans absolument aucun intérêt.Naturellement et comme le réalisateur ne sait pas se sortir du piège dans quoi il s’est enfermé, tout se termine de façon larmoyante. La généralement charmante Mélanie Laurent, là présentée comme une violoniste virtuose, apparaît de surcroît pour la fille des virtuoses poursuivis et assassinés, finalement, par le méchant Brejnev. Et le chef d’orchestre qui a voulu de toute force lui faire découvrir la géhenne de sa vie est celui qui, finalement, a été le coupable de leur déportation.

Il y a des moments où on a envie de crier Cucul-la-plaline !, non ?


Leave a Reply