Le film L’odyssée de Pi est adapté d’un roman à succès (paraît-il encore) d’un certain Yann Martel, philosophe espagnol ; qui me semble aussi philosophe, au demeurant que l’histrion Bernard-Henri Lévy, boutefeu universel qui est parvenu à rendre exaspérante la gracieuse Arielle Dombasle (lorsqu’elle évoluait, jadis, sous l’empire d’Éric Rohmer). Peut-être la structure romanesque, plus ductile que celle du film, permettait-elle de mieux présenter cette partition en trois segments d’importance temporelle très inégale, les premier et troisième n’offrant, dans le film, qu’un intérêt très limité, le troisième étant même infime et inutile : il montre le survivant Pi (Suraj Sharma) confronté brièvement au scepticisme d’enquêteurs japonais sur la longueur de sa survie sur l’Océan.
Car si le premier segment évoque assez rapidement le personnage de Pi et de sa famille, son éducation dans un zoo de Pondichéry, son syncrétisme religieux, les cérémonies dorées et fleuries de l’Inde légendaire, le deuxième est le seul spectaculaire.Revenons un instant aux bases, donc. Dans l’Inde des années 50, chatoyante et parfumée, le chef de famille, Santosh Patel (Adil Hussain) décide d’émigrer au Canada avec les animaux de sa ménagerie multicolore dans un cargo dont le chef cuisinier est Gérard Depardieu (mais on se demande ce qu’il fait là.).
Patatras ! Effrayant naufrage dont on ignore ce que les éventuels survivants autres que Pi deviendront. L’adolescent Pi se retrouve seul, sur un canot au-dessus de la fosse des Mariannes. Quand j’écris ‘’seul’’, ce n’est pas tout à fait vrai : Pi partage le canot avec un zèbre, une hyène, un chimpanzé, un rat et un tigre appelé Richard Parker. Celui-ci boulotte rapidement ses congénères.et se retrouve en tête à tête avec le jeune homme.
Et voilà tout le récit, presque aussi ennuyeux que Le vieil homme et la mer de John Sturges avec Spencer Tracy(1958). Le garçon, bien sympathique au demeurant, met toute son inventivité à survivre, à se dérober aux velléités du tigre, à imaginer qu’il va pouvoir échapper à cette épouvantable situation.
Il y a de l’inventivité, une réelle originalité apparente… mais aussi, et en fait, beaucoup de de facilité, une fois les prémisses admises. On sait bien que le frêle esquif va affronter les pires catastrophes : l’orage, la perte de tous les instruments de survie, de la réserve d’eau, des biscuits, des hameçons, de tout et n’importe quoi ; on sait aussi que les événements vont bien tourner.
Ce n’est pas mal tourné du tout, les images sont belles ; il est vrai que lorsqu’il y a les moyens suffisants, la somptuosité des mers suffit à éblouir. Je demeure, comme jadis et naguère, fasciné par ces deux vers de Hérédia : L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques/Enchantait leur sommeil d’un mirage doré… On a son content de beautés grâce à ce film un peu limité mais assez sympathique. Et tout autant interminable et ennuyeux, sans attrait ni flamme…