Attiré par l’euphonie et la signification du titre intégral, Alfred le Grand, vainqueur des Vikings, j’ai regardé sans déplaisir le film de Clive Donner tout en m’ennuyant un peu de la répétitivité des séquences et de l’absence de tout regard historique autre que superficiel, hollywoodien en d’autres termes. Il est pourtant certain que la vision jetée sur cette période de l’histoire européenne qui est en train de s’engluer un peu a le mérite de l’originalité. Il n’y avait guère eu, jusque-là, que les superbes Vikings de Richard Fleischer en 1958, avec Kirk Douglas et Tony Curtis qui avaient mis en scène ces invasions barbares survenant au moment d’un réchauffement climatique (déjà ! Nil novi sub sole !) et de la fin de la Renaissance carolingienne.
Invasions barbares, invasions de barbares. Et s’il y a mérite à Alfred le Grand, c’est bien de montrer sans fard ni pudeur l’extraordinaire violence, la sauvagerie instinctive de ces Scandinaves qui n’ont jamais reçu la lumière de la Méditerranée gréco-latine : des barbares purs et durs, sacrifiant à des rites sanguinaires, ne respectant pas les traces de la civilisation romaine, ne songeant que rapines, profanations, viols, pillages et saccages. Il leur faudra la grâce d’être touchés par la douceur de notre France (traité de Saint Clair sur Epte, en 911) pour commencer à s’humaniser. Ce qui leur permettra, d’ailleurs, de conquérir l’Angleterre 150 ans plus tard sous la houlette de Guillaume le Conquérant.
Le film semble à peu près respecter le récit historique. Car Alfred le Grand est un personnage effectif, dont on connaît assez bien la vie. Né au milieu du 9ème siècle, il meurt en 899. Il est le dernier fils du roi du Wessex (sud-ouest de l’île) et il se destinait effectivement à la prêtrise ; il a d’ailleurs été canonisé par l’Église de longue date. Si l’on n’est pas très sourcilleux avec les épisodes de la vie de ce monarque bien ancien, on peut être content de recevoir une instruction pédagogique. De fait, d’ailleurs, il semble que le Roi, dernier des cinq fils du souverain Æthelwulf, n’ait jamais ambitionné le Pouvoir, qui lui a été dévolu par la mort de ses aînés.
Se mêlent donc aux événements historiques relatés des complications sentimentalo-érotiques, puisque le chef des Vikings envahisseurs, Guthrum (Michael York), ébloui par la beauté de la Souveraine, obtient de la prendre en otage lors d’une tentative de paix, puis devient son amant. Aelswith, toute à sa rancœur contre Alfred, cède sans trop de difficultés au désir du Danois. N’empêche que, après bien des péripéties et la victoire des Saxons sur les Scandinaves, elle reviendra, soumise et amoureuse, à son mari Alfred. Drôle de chassé-croisé qui s’explique sans doute par ce propos cueilli dans L’art d’aimer du poète latin Ovide cité par Alfred : Les femmes aiment refuser ce qu’elles rêvent de donner.
Le film est long, pesant, languissant et n’a pas laissé, je crois, grande trace : c’est une sorte de biographie languissante et moralisatrice qui se perd entre d’interminables beuveries orgiaques et de non moins nombreuses scènes de bataille furieuses assez sanguinolentes. Il faut au moins reconnaître sur ce point que le réalisateur Clive Donner n’a pas mégoté sur la férocité et que les blessures, percements, décapitations, brûlures sont montrés de façon nette et accessible. Est-ce que ça suffit ?
Un bon point pour la scénographie de la bataille finale où les Saxons opposent à la troupe viking la tactique du mur de boucliers redécouverte sur le parchemin d’un monastère par Alfred le lettré, et qui est d’origine spartiate. Un autre bon point pour les images presque toujours trempées de pluie de la campagne anglaise et ses chemins boueux.
Trop de mots et de complications amoureuses pour un film d’action ; trop de beuveries et de combats pour un film psychologique. Bien mitigé, tout cela, donc.