Sur la première demi-heure du film, j’étais tout prêt de m’extasier, de crier au grand film méconnu. Les balades des deux jeunes femmes, Liliane (Yveline Céry) et sa meilleure copine Juliette (Stefania Sabatini) font songer aux meilleurs Truffaut de l’époque (Les bonnes femmes par exemple) et surtout au chef-d’œuvre absolu du genre, Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda. Tout ceci dans un Paris délicieux où ne sévissaient pas l’affreuse Hidalgo et ses amis écologistes, un Paris sans vélos, sans trottinettes et plein de voitures. Un Paris qui vivait et qui était fier d’être Paris.
Comme tous les jeunes gens du monde et à toutes les époques, les garçons font les beaux devant les filles qui pouffent, font mine d’être ennuyées, chuchotent entre elles et se décident à céder aux propos de matamores qui leur font miroiter belles voitures, sorties sensationnelles, clubs dansants chics et tout le tremblement. Ça s’appelle le ‘’miroir aux alouettes’’ et, même si les petits oiseaux délicieux se font rares, les oiselles sont toujours aussi disponibles et faciles à éblouir.Enfin, remarquez, j’en parle par ouï-dire parce qu’il y a bien longtemps que je ne pratique plus cette chasse-là ; mais de très jeunes gens, que j’ai le bonheur de connaître, me confirment qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, si ce n’est un langage un peu moins apprêté et sans doute plus direct.
Toujours est-il que le fier petit coq, qui s’appelle Michel Lambert (Jean-Claude Aimini) a un avantage indéniable : il est quelque chose comme assistant plus ou moins bénévole à la télévision, ce qui lui permet d’introduire les deux amies Liliane (Yveline Céry) et Juliette (Stefania Sabatini) dans ce qu’elles imaginent être un monde enchanté qui leur ouvrira les portes – va savoir ! – du cinéma, du vedettariat, peut-être d’Hollywood !Intéressante petite partie documentaire où l’on voit les conditions de tournage, en 1960, des émissions qui faisaient la gloire de la chaîne unique de télévision : d’abord une diffusion de variétés, avec le jazzman Maxime Saury, puis une dramatique, qui eut un grand succès, fort mérité, Montserrat d’après Emmanuel Roblès réalisé par le grand Stellio Lorenzi.
On ne parle pas trop de la guerre d’Algérie, alors que Michel doit partir dans les deux mois sous les drapeaux… Pourtant un vieux copain, Dédé (Pierre Frag) vient d’en revenir, un peu mutique ; il est invité dans la famille de Michel (Maurice Garrel, Arlette Gilbert) où sont aussi reçus un couple de vieux amis (Charles Lavialle, Jeanne Pérez). Il y a là une grande véracité des attitudes et des conversations. Le meilleur du film.Et puis tout se gâte lorsque, sur un coup de tête, Michel claque la porte de la télévision et part pour le village du Club Méditerranée de Porto-Vecchio. Les deux filles le rejoignent. On ne sait toujours pas s’il en préfère une et si l’une, ou l’autre ou les deux sont amoureuses.
Il reste trois quarts d’heure de film à tourner ; hors quelques beaux paysages de la Corse (mais en noir et blanc, hélas) il n’y a plus rien : un capharnaüm, une bouillie, une suite de tirages à la ligne, compliquée d’épisodes ridicules, notamment avec l’aigrefin Pachala (Vittorio Caprioli) qui doit des sous à chacun et roule tout le monde.C’est vraiment dommage que ce qui aurait pu être un petit bijou réaliste s’englue peu à peu dans l’insignifiance et la médiocrité.