Ça ne se fait plus beaucoup les films à sketches, où des histoires et des situations disparates, reliées entre elles par un prétexte léger, souvent même funambulesque, parviennent à donner au spectateur un peu de plaisir. Dans les dernières années, je n’ai guère en tête que le Paris de Cédric Klapisch (2008) où le réalisateur scrute plusieurs histoires sans rapports directs les unes avec les autres.
Au fait il y a deux façons de réaliser ce genre de divertissement : un réalisateur qui vous narre plusieurs histoires disparates ; par exemple Adorables créatures de Christian-Jaque en 1952, Le diable et les dix commandements de Julien Duvivier en 1962, ou Sept fois femme de Vittorio De Sica en 1967… Mais on pourrait citer aussi Le plaisir de Max Ophuls en 1952, voire la plupart des films historiques de Sacha Guitry (Les perles de la couronne, Remontons les Champs-Élysées, Si Versailles et Si Paris)…
Mais il y a aussi la réunion de différents cinéastes autour d’un sujet plus ou moins cohérent : Retour à la vie de 1949(Clouzot, Cayatte, Dréville, Lampin), Histoires extraordinaires de 1968 (Roger Vadim, Louis Malle, Fellini), Boccace 70 (Monicelli, Fellini, Visconti, De Sica), Les nouveaux monstres de 1978 (Monicelli, Risi, Scola) et, pendant qu’on y est Les secrets professionnels du docteur Apfelglück de 1991 (Thierry Lhermitte, Hervé Palud, Mathias Ledoux, Stéphane Clavier, Alessandro Capone). On va arrêter là cette nomenclature sans grand intérêt.
Lorsque le film Les Parisiennes sort sur les écrans, outre cette mode des films à sketches, il vient de survenir une bourrasque : l’arrivée – mieux vaudrait dire le triomphe des jeunes chanteurs, ce que l’on a appelé le yé-yé, du nom des onomatopées agaçantes qui scandaient des chansons traduites des rockers étasuniens. Ce qui est amusant et point désagréable dans le film, c’est précisément la juxtaposition de la tradition française du marivaudage léger, un peu libertin et de l’arrivée de nouvelles dégaines et de nouveaux sons.
Comme de juste, les quatre sketches sont très inégaux, en fonction de l’intérêt du récit, du talent du réalisateur, de la qualité des acteurs.
On peut passer à toute allure sur le premier, Ella, tourné par Jacques Poitrenaud, dont les personnages sont Dany Saval (qui a bien mieux fait de se consacrer au foyer de Michel Drucker, épousé en 1973, tant elle était dépourvue de talent). À ses côtés, le gugusse dont l’étoile commençait à clignoter et même à s’éteindre, Darry Cowl, dont les six ou sept dernières années précédentes l’avaient porté au pinacle, mais dont le succès s’essoufflait. Singulière apparition brève du groupe des Chaussettes noires conduits par Eddy Mitchell qui se livre à une prestation affligeante. Sketch à oublier vite.
La deuxième histoire, Antonia, tournée par Michel Boisrond, est beaucoup plus piquante, insolente, drôle. La belle Antonia (Dany Robin) est mariée avec le sarcastique et spirituel chirurgien esthétique Jean-Pierre Leroy (Jean Poiret) qui veille sur elle comme le lait sur le feu. Il se méfie particulièrement du play-boy Christian Lénier (Christian Marquand) avec qui Antonia a eu jadis une aventure. De façon un peu incongrue, le mari entend de l’amant que la jeune femme était une des plus mauvaises affaires de Paris, ce que son mari lui conte avec une arrière-pensée fine. Piquée au vif, Antonia va aller prouver le contraire à son ancien amant, qui s’étonne de trouver une cavale ardente là où il avait jadis chevauché une douce brebis. Se croyant désormais à nouveau désiré, mais rejeté par la femme qui s’est en fait moquée de lui, le beau Christian perd contre Jean-Pierre la finale prestigieuse de la compétition de golf. C’est très moral.
L’est un peu moins le troisième segment, Françoise, qu’a tourné Claude Barma. L’héroïne, (Françoise Arnoul) qui vit, après avoir eu un grand nombre d’amants, une existence de bâton de chaise, quitte, sur un coup de tête son compagnon aux États-Unis et vient se réfugier chez sa meilleure amie Jacqueline (Françoise Brion) qui est quelque chose dans la mode. Jacqueline, qui se targue d’être la maîtresse choyée de Michel (Paul Guers), l’homme le plus séduisant du monde qu’elle a choisi après mûre réflexion, fait des représentations à son amie et la prend de haut. Hasard des choses, elle est obligée de s’absenter pour la soirée alors que le beau Michel vient d’arriver dans son appartement. Nantie de toute sa supériorité un peu méprisante et de son orgueil, Jacqueline propose à son amant et à Françoise d’aller dîner ensemble. Que pensez-vous qu’il puisse arriver ? Ça ? Vous ne vous êtres pas trompé. Telle est prise qui se croyait au dessus de tout risque.
La quatrième histoire Sophie, de Marc Allégret, est une bluette niaise qui n’a d’autre intérêt que de présenter les très jeunes Catherine Deneuve et Johnny Hallyday dans un récit nunuche à souhait. C’est là qu’on entend le célébrissime Retiens la nuit. Il n’et pas interdit aux adulateurs du chanteur disparu de s’émerveiller. Ce n’est pas mon cas.
Quatre sketches, deux insignifiants, deux autres assez bons dans la veine du marivaudage à la française. Dommage qu’il n’y ait pas davantage d’harmonie, là-dedans.