La tête dans le sac

la-tete-dans-le-sacLauzier grinçant, cynique, las…

C’est sur La tête dans le sac, qu’il l’a réalisé, de préférence à Je vais craquer (qui eut plus de succès) que je souhaitais saluer Gérard Lauzier, qui vient de mourir, qui ne laissera sûrement guère de traces dans l’histoire du cinéma, sinon les beaux succès publics de Mon père, ce héros (niais et convenu, à mes yeux) et du Plus beau métier du monde, féroce et jubilatoire, et peut-être pas davantage dans l’histoire de la bande dessinée (univers que je connais fort mal), mais qui, pourtant, a su capter l’infinie veulerie de l’époque avec un talent méchant, souvent désespérant, à cent lieues du politiquement correct imposés.

Il n’y a pas de meilleure mise en situation de l’esbroufe et de la pseudo libération des années Giscard que le trait violent de Lauzier dans Je vais craquer et dans La tête dans le sac , les BD étant toutefois infiniment plus brûlantes et subversives que les films, finalement assez sages, qui en ont été tirés.

movie_callout_imageTout Lauzier est peuplé de gens terriblement artificiels et terriblement vrais, les milieux du cinéma, de l’édition rive Gauche, de la publicité, des starlettes camées, le monde qui fut de Chez Régine et qui est toujours de Chez Castel, de la faune étrange qui s’y étale, s’y reconnaît, s’y célèbre et s’y noie dans l’alcool, la baise et la cocaïne… Petit monde germanopratin, curieuse mixture de producteurs flous, d’écrivains appointés, de filles à échanger, d’aristos à appartements immenses et à revenus aléatoires, d’hommes d’affaires douteux, d’étrangers richissimes et extravagants, de beaux mecs ambigus…

Les histoires de Lauzier sont acides et méchantes ; il a cette petite touche de dégoût de l’Humanité qu’on trouve, du côté sardonique, chez l’Autant-Lara de la bonne époque, quelquefois, en plus sombre, chez Cioran ; est-ce lui faire beaucoup d’honneur que d’appeler sur sa tombe ces mânes-là ? Sans doute, et assez largement ! mais en souvenir de sa verve misanthrope, pessimiste, exaspérée, de sa noirceur fatiguée, de son sourire moqueur, je lui envoie, de ce monde malade, mon petit salut cordial et complice.


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