Je sais, je sais ! Des programmes de réhabilitation intelligents auraient permis de cureter, comme on dit, ce bâti-là, de procéder, avec doigté, à une toilette intelligente, en réunissant plusieurs petits appartements pour offrir de l’espace, en apportant, au prix de mille travaux délicats, tous les conforts…
Mais vous savez bien que ça n’est pas ainsi que ça pouvait se passer… Dans de vieilles émissions, on vous montre des gens qui ont quitté leurs vieux quartiers – sales et diablement pittoresques – et qui se disent si heureux de venir vivre dans leur nouvelle cité de banlieue, où il y a un balcon, une salle de bains, le chauffage central… On sait ce que sont devenues ces Cités… mais je doute qu’on aurait pu faire autrement….
Et en province, c’est pareil. Allez voir des villes vieilles et où l’espace, jadis, était confiné : maisons s’enroulant précautionneusement autour de l’église ou du château, à l’intérieur de l’enceinte, pour lutter, à la fois, contre le vent et le potentiel envahisseur : qui veut habiter là, désormais, dans des immeubles humides, sans ouverture et sans perspective, dans des ruelles où le soleil n’entre jamais ? Les maires s’arrachent les cheveux, parce que les habitants s’en vont, font construire en périphérie ; on restaure quelquefois les façades, mais beaucoup d’appartements sont vides ou…mal occupés…
Bien sûr, on n’aurait pas dû démolir Belleville et Ménilmontant, mais on n’aurait pas dû mettre à bas le Gaumont-Palace de la place Clichy, ni le fastueux Palais rose de Boni de Castellane, avenue Foch, détruit en 1970… Et tant d’autres témoignages…
Paris demeure la plus belle ville du Monde ! Libre à chacun, bien sûr, de préférer les créations naturelles, mais si nous parlons de plus belle ville du Monde, on ne peut pas glisser de sens et appeler les merveilles de – au hasard – la Pointe du Raz, les Calanques de Cassis ou la forêt amazonienne ; si la Ville, en soi, ne vous est pas d’emblée besoin, c’est très bien ainsi.
Et puis, par ailleurs, Paris c’est la France ; la France s’est constituée autour de Paris, par l’effort patient, obstiné, volontaire et centralisateur de ceux qui l’ont dirigée, Rois, Empereurs et Républiques et quels que soient la beauté, l’agrément, le charme, la douceur de nos villes de province, elles ne sont pas, et n’ont jamais été des Capitales. C’est exactement la même chose en Angleterre, mais ce n’est pas du tout pareil en Allemagne ou en Italie (qui ne sont pas des Etats-Nations bien anciens).
Dire d’une ville qu’elle est la plus belle du Monde ne signifie en rien mépriser les autres ; j’aime Rome, évidemment, Athènes, Bruxelles, Amsterdam, Copenhague, Vienne, Istambul (oh ! toujours la même intense émotion en entrant dans Sainte-Sophie) et j’ai grande envie de découvrir Moscou, Saint-Pétersbourg, Prague, Budapest et tant d’autres merveilles. Mais la variété des siècles représentés, l’harmonie extrême que cette juxtaposition des siècles confère, la lumière d’Ile-de-France et tant d’autres choses…