Petits riens, petits films…
Ma note de 3 sur 6 est un peu complaisante et, à dire vraiment, Les petits riens ne valent pas la moyenne, hors quelques moments réussis, et quelques mots d’esprit assez rosses et bienvenus qui doivent tout à la tradition du boulevard et de la comédie de mœurs. C’est que le scénariste et dialoguiste, Yves Mirande est directement issu de ce monde-là et ne se refuse aucune séduisante facilité.
En fait, c’est du sous-Guitry ; ça commence un peu comme Faisons un rêve, à une soirée de gens du monde, en habit ou en smoking, jouant au bridge et bavardant frivolités puis évoquant, chacun à leur tour les petits riens qui leur ont valu aisance ou fortune, vieux procédé des récits dans un cadre vague, prétexte à sketches inégaux (et là aussi, on songe au Guitry de La vie à deux, par exemple).
Le seul charme de ces films de bric et de broc est l’originalité éventuelle des anecdotes – et là on n’est guère servi – et surtout les numéros d’acteurs, inégaux par nature, mais plutôt réussis…
Un jeune peintre de grand talent (Claude Dauphin) n’ été reconnu que parce qu’il a glissé sur peau de banane et que le tableau qu’il transportait est tombé dans les mains d’un journaliste esthète qui l’a ainsi découvert et lancé ; un petit employé (Fernandel), dupé par un ami de régiment, sympathique fripouille (Jules Berry, évidemment), gagne finalement des millions en Bourse (autres temps, on le voit !) ; un jeune pion de collège (Andrex) écrit pour le théâtre, est poussé à présenter sa pièce par son meilleur ami, compositeur de musique (et c’est Jean Daurand, qui fut plus tard, les traits burinés et le teint terne, l’Inspecteur Dupuy, immuable adjoint du Commissaire Bourrel des Cinq dernières minutes) ; le pion est le fils de braves gens concierges d’un immeuble très bourgeois qui frémissent de voir leur rejeton délaisser la sécurité de l’enseignement pour les aléas de la scène : on retrouve là le discours férocement gagne-petit du ménage Grenaison dans Entrée des artistes que Louis Jouvet ridiculisera si cruellement) ; il y a dans ce sketch, qui est sans doute le meilleur du film, un dîner grand-bourgeois où l’un des convives (l’alors jeune Louis Arbessier) se conduit avec tant de morgue et de répugnante suffisance avant d’être, lui aussi, ridiculisé, que le populo spectateur des Petits riens devait en frémir d’aise…
Un sketch bien banal joué par Mirande lui-même, Simone Berriau et Suzy Prim, d’une bien grande banalité vaudevillesque de duperie matrimoniale finalement bien-pensante ; puis un invraisemblable numéro de Cécile Sorel, immense vedette de la Comédie française, du Casino de Paris et de la vie mondaine du demi-siècle, qui, à 69 ans en 1942, roucoule, lance des œillades, fait la coquette et paraît exercer une fascination absolue sur de larges troupes d’admirateurs passionnés ; enfin une prestation simplement honnête de Raimu, richissime et bêtement amoureux de sa secrétaire qui accepte de l’épouser pour assurer les vieux jours de sa mère, alors qu’elle en aime un autre… La secrétaire, c’est la délicieuse Janine Darcey (précisément une des vedettes féminines d’Entrée des artistes) ; c’est peut-être bien grâce à son frais minois et à son joli sourire que ma note a pu atteindre la moyenne, finalement