Gigi

Paris 1900.

Il serait intéressant de comparer le film de Minnelli avec celui que, près d’une décennie auparavant (1949), Jacqueline Audry avait tiré de la même nouvelle de Colette… Mais je doute que cette adaptatrice fréquente (il y eut aussi L’ingénue libertine et Mitsou), sinon inspirée de la dame de Saint-Sauveur en Puisaye et du Palais-Royal ait pu aussi bien réussir un si charmant bijou !

Gigi est tout à fait à l’image de l’œuvre de Colette, d’ailleurs : léger, superficiel et supérieurement brillant, délicieux exercice de style à l’image d’une société joueuse et rieuse, d’où le canon de 1914 est encore bien loin…

10_iX2TvL’artificialité de l’anecdote n’a pas beaucoup d’importance (franchement, et dès les premières images, peut-on ne pas voir que Gaston Lachaille (Louis Jourdan) finira, malgré qu’il en ait, par épouser Gigi (Leslie Caron) ?) mais l’enchantement des décors et des costumes (de l’homme de goût Cecil Beaton), la séduction de tous les interprètes, la qualité de la musique, le rythme et l’harmonie de la mise en scène sont un véritable bonheur.

Film élégant sans cruauté, sans méchanceté, ni tristesse ; des esprits chagrins peuvent toujours déplorer que tous les protagonistes paraissent enchantés de leur sort, y compris demi-mondaines, gigolos et domestiques et qu’il n’y ait pas de regard douloureusement social sur la perversité consentie de cette nouba continuelle : on ne voit pas pourquoi on rejoindrait leur tristes figures empressées d’arborer de l’aigreur ; certes 1900 n’était sûrement pas comme ça, en tout cas n’était pas que ça, mais de tout temps, il y a eu des viveurs joyeux et aussi sympathiquement égoïstes qu’Honoré Lachaille (Maurice Chevalier).

Cela dit, j’ai aussi une véritable nostalgie d’une époque où un des plus grands réalisateurs étasunien, Vincente Minnelli, tournait un film et récoltait neuf Oscars pour une adaptation d’un écrivain français, Colette, interprétée, au premier rang par trois acteurs français (Maurice Chevalier, Louis Jourdan, Leslie Caron) et au second par une multitude d’autres (Jacques Bergerac, Jean Ozenne, Corinne Marchand par exemple) et où, au dessus de tout, la vedette est donnée à Paris, filmé en amoureux…

creepyoldguy_gigiBois de Boulogne, fontaine de l’Observatoire, mais aussi pont Alexandre III, place de Fürstenberg, entrée de l’étrange immeuble de Jules Lavirotte, avenue Rapp (c’est là qu’habite tante Alicia – Isabel Jeans), intérieurs somptueux du musée Jacquemart-André (la demeure des Lachaille) et bien sûr incroyables salles de Maxim’s, du temps où les lampes roses rendaient plus belles encore les dîneuses, avant que Cardin-le-gougnafier n’en fasse une cantine et une franchise internationale et rémunératrice… Paris magnifique et intemporel… merci, Minnelli !

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