Le Diable, probablement…
Après avoir découvert et beaucoup apprécié Fargo, je poursuis mon exploration de l’œuvre des frères Coen ; eh bien, me voilà bien perplexe pour Barton Fink, que je viens de voir, sans m’y ennuyer, mais sans y adhérer tout à fait…
Je veux bien, au cinéma, être soumis à des interprétations divergentes, m’engager dans des pistes qui ne mènent à rien, relever, sans pouvoir les résoudre, des incohérences singulières, marcher dans toutes les machineries oniriques, me perdre dans des mystères insondables, basculer dans les cauchemars ; je veux bien admettre l’irruption du surnaturel, de la psychose, du dédoublement de personnalité ; j’admets facilement la sublimation des désirs par une riche fantasmatique ; j’accepte la métaphore politique, philosophique, morale… je suis un admirateur éperdu de beaucoup de films de David Lynch, à quoi je ne comprends pas toujours grand chose… Mais là, avec Barton Fink, je m’interroge… et pas seulement sur ce qu’il y a vraiment dans le paquet…
Sans doute une deuxième vision me permettrait davantage de faire place nette. De distinguer la charge contre les margoulins d’Hollywood, leur monde de faux-semblants et de cynisme. De me moquer un peu de l’orgueil à la fois vain et niais de Fink, qui vend ses idéaux de dramaturge prolétarien pour douze deniers et une bouchée de pain.
De me pencher sur la terrible angoisse de la page blanche, de méditer sur l’autopunition dont peut s’affliger celui qui voit ses admirations se flétrir ; par exemple la scène grotesque et repoussante dans laquelle Fink (John Turturro) découvre, dans les toilettes, la réalité du comportement d’une de ses admirations littéraires, l’écrivain alcoolique Mayhew (John Mahoney). De remarquer qu’une fois de plus dans le cinéma étasunien l’acte de chair voluptueux, après avoir été représenté, en clin d’œil salace, par une bonde de lavabo qui se vide, est immédiatement suivi d’une punition démesurée et sanglante… Sans doute…
Mais justement, il me semble qu’il y a un peu trop de choses, un propos un peu trop touffu pour être totalement convaincant et que se juxtaposent, s’étagent, s’amoncellent des couches hétéroclites qui nuisent à l’équilibre du film.
Cela étant, il y a une interprétation de première qualité, un art de la composition des images poussé au plus haut (la brève scène où Fink, son scénario terminé, va danser un boogie-woogie orgasmique merveilleusement coloré et cadré) et un sens superbe des ambiances.
Ah ! Et puis, même si je suis seul de mon espèce, je note ce qui m’est d’emblée apparu, ou plutôt ce que j’ai ressenti, lors de l’arrivée et de l’installation de Fink à l’hôtel Earle : une ressemblance avec Shining , si différents que soient l‘Earle et l‘Overlook, il y a les mêmes couloirs inquiets, les mêmes lumières ternes, ici et là une machine à écrire et une identique stérilité pour Barton Fink et Jack Torrance… et même le groom Chet, à l‘Earle et le barman Lloyd, à l‘Overlook ne sont pas sans rapport