Un petit air de ressemblance avec L’argent de poche ? Si l’on veut, et parce que les jeunes protagonistes sont de la même strate d’âge, de la toute fin de l’enfance et parce que, de fait, il y a plein d’histoires entrecroisées, juxtaposées qui rendent un solide parfum d’exactitude tout simplement parce qu’elles sont, selon toute vraisemblance, la transcription d’anecdotes vécues…
Mais, par rapport au film de François Truffaut, il y a beaucoup plus de roublardise et même la trace de mauvais goût qu’on trouve si souvent chez un Claude Lelouch ; je n’écris pas seulement cela en référence à Alessandra Martines, qui est son actuelle épouse et qui n’est pas désagréable à regarder dans Mercredi, folle journée, mais bien aussi dans ce côté roman-photo, qui n’évite ni le grotesque (le mouton vivant dans l’appartement de la famille arabe, l’accouchement en pleine nature devant ses compagnons de voyage du capitaine (!) Marie Pelloutier (Anne Le Ny), la kleptomanie de la grande bringue Armelle), ni le miraculeux (le fort gain réalisé aux courses par Martin Socoa (Vincent Lindon, par ailleurs aux abois, grâce à l’inspiration de dernière minute de sa fille Victoria), ni même le mélodramatique (l’overdose devant la fille d’Antonella (la toujours diaphane Isabelle Carré)…
Ça part souvent dans tous les sens, c’est assez foutraque, et mal construit, avec des parties très disproportionnées, et c’est assez ennuyeux pour ce genre de film choral où tout est question d’équilibre et de savant mixage ; ça se veut, comme souvent dans ce style de cinéma français, finement observateur de la vraie vie, mais ce n’est pas parce qu’on y voit des familles recomposées, des femmes qui travaillent, des dealers et des policiers qu’on n’y sent, trop souvent, la lourde patte des sujets de société, à la mode des téléfilms de TF1.
Il y a pourtant plein de bonnes et belles choses : une façon de filmer Nantes loin du pittoresque trop facile (depuis la Lola de Demy) de la place Graslin et du passage Pommeraye, beaucoup de tendresse sur les âges tendres, et aussi des acteurs nombreux et tous excellents : Lindon, joueur maboule et père perdu et aimant, un peu veule, un peu lâche, Catherine Frot, comme toujours impeccable dans une scène vraiment drôle, Olivier Gourmet, commissaire de police de forte épaisseur humaine, Maurice Risch, habituellement excessif, mais là bien tenu, en sale type baveux, vicelard, minable, qu’on aime détester, et plein d’autres qu’on reconnaîtra au gré des images…
J’hésite à déposer une note ; ce coffret DVD consacré à Pascal Thomas est assez bizarrement construit : n’y figurent ni ce qui est peut-être son meilleur film, Pleure pas la bouche pleine, ni le rigolo Le chaud lapin, avec un Bernard Menez alors au sommet… Mais il y a la très jolie comédie triste Confidences pour confidences et les merveilleux Zozos ; il me semble que Thomas sait davantage filmer les états d’âme des jeunes gens que des enfants ; d’ailleurs, il le sent peut-être : il y a un clin d’œil, dans Mercredi, folle journée : la présence, à peine reconnaissable, en brigadier de police bonhomme et grossi de Frédéric Duru, le Frédéric des Zozos, presque trente ans après… L’eau a coulé sous les ponts…