Si c’est là, comme tout semble l’indiquer, le seul film de cinéma de Claude Barma, on peut drôlement se féliciter que son réalisateur se soit rapidement tourné vers la télévision.
Que l’auteur des magnifiques Cyrano de Bergerac, Belphégor, Rois maudits qui ont pu un temps faire penser que l’étrange lucarne pourrait mériter le qualificatif de huitième art soit aussi l’auteur de ce Croquemitoufle insignifiant et assez ennuyeux est un bien grand mystère !
Croquemitoufle, les anciens s’en souviendront sans doute, c’est d’abord une chanson chantée par Gilbert Bécaud aux temps où il avait une aventure avec Brigitte Bardot ; et les paroles de cette chanson funambulesque, écrite par l’humaniste préfet Louis Amade avaient ce petit brin de poésie étrange qui passait assez bien lorsque nous l’écoutions dans nos transistors et sur nos électrophones Teppaz :
Je me rencroquemitoufle
Au fond des pantoufles
Quand tu n’es pas là
Et je m’éfiléfiloche
Comme un fond de poche
Quand tu n’es pas là
On a dû vouloir profiter du succès de la chanson, du physique avantageux de Bécaud et de ses modestes qualités d’acteur, essayées par Marcel Carné dans Le pays d’où je viens et par André Hunebelle dans Casino de Paris, les années précédentes, pour tenter un nouveau coup, mais ça a donné si peu de choses que le chanteur s’est ensuite à peu près totalement consacré à sa vraie carrière, celle de ce Monsieur 100.000 volts, qui, bien avant d’autres fit, par sa pétulance et son dynamisme, casser les fauteuils de l’Olympia…
Pas de pétulance, dans Croquemitoufle, mais les pitreries d’un polichinelle excité qui, sur un fond de petit vaudeville à quiproquos, essaye désespérément de masquer l’inanité du scénario et le je-m’en-fichisme rémunéré de quelques acteurs de troisième plan (Roger Carrel, Maurice Chevit, Paul Préboist, Micheline Luccioni et les piges de l’aimable Robert Manuel, alors gloire de la Comédie française, quand c’était encore quelque chose…
La seule bonne découverte, c’est une très jolie jeune première, Mireille Granelli, à qui Croquemitoufle n’a pas dû porter bonheur, puisqu’elle n’a tourné ensuite que trois ou quatre films (parmi lesquels Ursus, la Terreur des Kirghiz, d’Antonio Margheriti (dont il ne me souvient pas que quiconque m’ait déjà parlé : c’est là une preuve suffisante de la vraisemblable insuffisance de ce film !).
Donc, Croquemitoufle n’est rien, et on se demande pourquoi Les films du collectionneur ont exhumé ce machin mal fichu, à peine témoin de son année 1958, des postes de télévision gros comme des œufs d’autruche géante, du rythme des rails des sleepings du Train bleu, et d’une Côte d’Azur encore fréquentable…
Mais enfin, c’est vrai, bâtir un scénario sur la base d’une chanson bizarre ne rendait pas la gageure aisée…
Qu’est-ce que vous auriez écrit, vous, à partir de :
Et je me serpentiluche
Je m’escaramuche
Dans le fond des bois
Tous les raconte-bouillasses
Des grogne-filasses
Ne m’atteignent pas
Hein, qu’est-ce que vous auriez écrit ?