Henry, portrait d’un serial killer

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Assez glauque, mais…

C’est, paraît-il, pour certains, un film-culte que cet Henry-là, et on comprend bien pourquoi : image pauvre, grumeleuse, terne (j’allais écrire pisseuse), caméra portée à l’épaule, mouvements saccadés, protagonistes (on ne va pas écrire héros, n’est-ce pas ?) minables et cinglés, dialogues volontairement ternes… tout ce qui peut rapprocher de la réalité vécue de Henry Lee Lucas et d’Otis Toole, tueurs en série américains unis dans l’abjection et la folie criminelle.

Cet aspect du film n’est pas du tout critiquable : on sait bien que, de façon assez roublarde, mais intelligente, on peut susciter davantage l’émotion du spectateur par cet apparent décalque de la proximité : Le projet Blair witch, mais aussi, dans un autre registre, plus sophistiqué, C’est arrivé près de chez vous jouent à plein de cette fascination d’identification. Dans Henry, on se sent souvent sinon l’invité du trio maléfique (ouf !) mais une sorte de voisin voyeur qui s’introduit dans l’appartement, au milieu de l’atmosphère poisseuse du Sud américain…

Il y a aussi un truc très bien, c’est le processus de la tentation : au début du film, seul Henry (Michael Rooker), déglingué par sa mère, prostituée, est criminel, et il a déjà un beau palmarès derrière lui (en tout, près de 200 meurtres avérés) ; Otis (Tom Towles), lui aussi complètement esquinté par une enfance à faire frémir (violé, prostitué par son père et sa sœur aînée) est, si l’on peut dire, un tout petit amateur, qui n’a tué qu’une fois, mais est sorti de prison… Ce qui est intéressant, c’est l’effarement joyeux de Toole, découvrant avec une incrédule volupté qu’il est facile et délicieux de tuer ; de tuer comme ça, n’importe qui, n’importe comment, pour le plaisir… La gradation du film de John McNaughton est rudement bien faite…

Mais il me semble qu’avec un sujet aussi monstrueux, on pouvait encore faire mieux dans l’escalade de l’horreur ; visiblement, le réalisateur a craint que la censure n’intervînt : l’homosexualité des deux hommes est abordée mais Lucas rejette les propositions de Toole alors que les deux criminels étaient effectivement amants ; la relation incestueuse de Toole et de sa sœur Becky est, de la même façon, estompée ; et aucune allusion à l’anthropophagie vraisemblable de ce charmant garçon…

Le film laisse néanmoins une solide impression de malaise malodorant ; la prochaine fois, je regarderai sûrement un bon vieux Berthomieu des familles…

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